La terrible guerre menée dans la bande de Gaza par l’armée israélienne ne doit nous faire oublier qu’un peu plus à l’est, un pays vit depuis longtemps sous le joug d’une théocratie. Narges Mohammadi, militante iranienne des droits de l’homme aurait dû recevoir ce dimanche 10 décembre le Prix Nobel de la Paix qui lui a été attribué le 6 octobre pour « son combat contre l’oppression des femmes en Iran, et pour sa lutte pour promouvoir les droits humains et la liberté pour tous ». 

   Née en 1972, Narges Mohammadi a été arrêtée à de multiples reprises en Iran pour avoir mené des actions en faveur des droits des femmes et des hommes. En 2016, elle est condamnée à 16 ans de prison pour avoir créé et dirigé un mouvement de défense des droits de l’homme qui milite pour l’abolition de la peine de mort. Libérée en 2020, elle a été incarcérée  à nouveau en 2022 dans la sinistre prison d’Evin où elle se remet d’une grève de la faim. 

   En 1999 elle épouse Taghi Rahmani, un journaliste qui a quitté l’Iran pour la France après avoir passé 15 années en prison. Taghi et Narges ont eu en 2006 des jumeaux, une fille et un garçon, qui vivent avec leur père à Paris. Les quatre premières années de leur vie sont les seules que Kiana et Ali ont passées avec leurs deux parents. Ce sont eux qui sont venus avec leur père ce 10 décembre à Oslo recevoir à la place de leur mère ce Prix Nobel de la Paix. Au même moment Narges Mohammadi a décidé d’entamer une nouvelle grève de la faim.

   Elle conclut l’entretien qu’elle a réussi à donner à Libération par ces mots: « ma responsabilité pour l’avenir d’Ali et Kiana me rappelle ma responsabilité envers tous les enfants de mon pays. Et en me faisant mère, ils ont offert un sens à ma lutte contre la dictature et les oppressions . C’est en quelque sorte l’expression la plus pure de l’instinct maternel, mais ce régime tyrannique me condamne aussi à être une « non-mère » pour eux. »

   Narges Mohammadi n’a jamais renoncé à sa liberté de parole, n’a jamais voulu quitter son pays, elle n’a jamais voulu porter le voile dont elle dit qu’il est l’un des piliers de cette dictature théocratique contre laquelle elle lutte. 

   Il ne faut pas oublier que le 16 septembre 2022 -cela semble tellement loin- Mahsa Amani, une jeune iranienne a succombé aux coups de la police des mœurs parce qu’elle n’avait pas « bien » porté son voile. Cet assassinat a donné naissance à la première révolution féministe soutenue par des hommes et a mobilisé en Iran et à l’extérieur des millions de personnes défilant aux cris de Femme Vie Liberté . 

   « Femme Vie Liberté » c’est le titre du livre publié sous la direction de la dessinatrice  iranienne Marjane Satrapi  du magnifique récit graphique « Persepolis ». Sous-titré « Avoir 20 ans et mourir pour le droit des femmes »( éditions L’Iconoclaste) il réunit sur 280 pages trois spécialistes de l’Iran et dix-sept dessinateurs de talent dont Johann Sfar, Coco, Pascal Rabaté, Lewis Trondheim…

   L’ambition de ce beau livre est de décrypter ce qui se passe en Iran mais aussi comme le dit Marjane Satrapi dans sa préface de « donner un signe aux Iraniens pour leur rappeler qu’ils ne sont pas seuls »; l’ouvrage est accessible gratuitement en ligne en persan pour tous les Iraniens.

   Il nous invite surtout à ne pas oublier le combat au quotidien de ces millions d’Iraniennes et d’Iraniens pour leur liberté. Écoutons les mots prononcés par Narges Mohammadi du fonds de sa prison: « Quelle jeune fille, après avoir subi des discriminations, l’oppression constante et les innombrables violences à l’encontre des femmes à l’école, à l’université, sur le lieu de travail, dans la rue… n’a pas rêvé de liberté et de briser ses chaînes? (…) Surmonter cette réalité, en construisant un changement fondamental et durable, surmonter cette dictature, théocratique et misogyne, retrouver le sens de la «vie»et de l’«humain» : voilà mes raisons de vivre. »

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