Connu comme le loup blanc, donner sa langue au chat, ménager la chèvre et le chou, peigner la girafe, laisser pisser le mérinos … L’origine et le sens de ces expressions mettant en scène des animaux, domestiques ou sauvages, n’auront plus de secret pour vous après la lecture de La puce à l’oreille (Anthologie des expressions populaires avec leur origine) de Claude Duneton, un écrivain un peu oublié aujourd’hui, curieux de tout, drôle et érudit, sensible à l’originalité et à la verdeur de la langue française. Pour l’expression « peigner la girafe », Claude Duneton se délecte à nous raconter « l’enthousiasme des foules lorsque la première girafe, en chair, en os et en cou, posa pour la première fois le pied sur notre sol, le 26 octobre 1826, envoyée en présent à Charles X par le pacha d’Égypte. » Il estime que c’est de cette époque que date cette expression qui signifie faire un travail inutile et long… ou encore, ne rien faire du tout. Et Duneton d’ajouter malicieusement en note: « Faut-il voir aussi une malice : long cou, girafe, pour pénis ? Et une allusion du genre peigne-zizi?… ». Double sens corroboré par le Robert culturel de la langue française. Nul doute que cet homme facétieux – qui nous avait fait le plaisir de venir à la librairie à la fin du siècle dernier- aurait aimé le verbe « girafer » , utilisé par les écoliers africains dans le sens de copier sur son voisin!

   Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à l’expression incongrue laisser pisser le mérinos qui nous invite à le laisser pisser dans le sens de laisser faire, laisser courir, attendre. Claude Duneton ne veut pas nous « faire avaler des couleuvres » et commence par tordre le cou à la légende selon laquelle Louis XIV aurait un jour à Versailles, au cours de la présentation de cette nouvelle race originaire d’Afrique du Nord, employé cette expression au moment où cet animal urinait sur le parquet du salon. Il estime plutôt que cette expression amusante a pris la suite de « laisser pisser la bête ».  « C’est une habitude chez les conducteurs d’attelages, quelle que soit l’urgence, de faire une petite halte pour laisser pisser les chevaux ou les bœufs, dès que ceux-ci en éprouvent le besoin. »

   Mais vous avez sans doute compris que je vais terminer ce kaléidoscope avec cette expression, remise au goût du jour par ceux qui nous gouvernent, et qui envisagent de faire payer une somme d’argent appelée «Taxe lapin» aux patients qui ne se rendent pas  à un rendez-vous médical.

   L’expression « poser un lapin » qui signifie ne pas venir à un rendez-vous, et laisser attendre l’autre au lieu fixé, semble avoir des origines multiples. On appelait jadis «lapin» un  passager voyageant gratuitement à côté du cocher sur le siège d’une diligence. « Voyager en lapin »pouvant  signifier aussi voyager comme passager clandestin. 

   Mais Duneton nous explique également qu’à la fin du XIXème siècle, le lapin désignait le client qui se sauve sans avoir rétribué les faveurs d’une prostituée.

   L’expression poser un lapin ne semble avoir aucun lien de parenté avec le chaud lapin qui désigne un homme porté sur les plaisirs sexuels… ce qui nous ramène étrangement à mon kaléidoscope de la semaine dernière consacré au tableau de Jan Van Eyck «La Vierge du chancelier Rolin ». Ce dernier s’est fait représenter comme un homme confit en dévotion, à genoux et les mains jointes. En réalité un chaud lapin devant l’éternel puisqu’on lui attribue quatre maîtresses et au moins six bâtards!

   Quant à l’expression « la puce à l’oreille » , je vous laisse découvrir ses sous-entendus grivois dans le livre de Claude Duneton.

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