Il y a 80 ans, mourait Jean Moulin. Quand on évoque son nom, surgissent dans nos mémoires la photo d’un homme ordinaire portant un chapeau et les mots grandiloquents d’André Malraux, résistant de la dernière heure, pour accueillir, en 1964, ce héros de la résistance au Panthéon: «Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège… ».
   Cette semaine, l’émission de France Culture, «Les grandes traversées» lui a consacré cinq remarquables émissions intitulées «Jean Moulin, un Français libre». On y découvre un jeune homme qui aime la vie, les belles voitures, les beaux costumes, un amoureux du ski qu’il pratique régulièrement à une époque, les années 20, où il est peu pratiqué et réservé à une élite fortunée. Un être solaire comme Albert Camus, est-il dit dans l’émission. Sous le nom de Romanin, il déploie ses talents de peintre et de caricaturiste ( ses dessins sont publiés régulièrement dans les journaux) il fréquente les artistes, collectionne les tableaux et illustrera un recueil de Tristan Corbière.
   Ses activités artistiques ne sont pas du goût de son père et Jean Moulin passe une licence de droit. Il se réjouit de la victoire du «cartel des gauches» et en 1925 devient à 26 ans le plus jeune sous-préfet de France puis en 1937 le plus jeune préfet.
   On connaît mieux la suite : dès septembre 1941 il rejoint la «France Libre» à Londres et sera envoyé à Lyon par le général de Gaulle où il crée et dirige le Conseil National de la Résistance.
    On sait aussi que le 21 juin 1943 Jean Moulin est arrêté à Caluire, incarcéré à la prison Montluc à Lyon. Chaque jour il est conduit au siège de la Gestapo, avenue Berthelot pour y être interrogé et torturé.
  Entre février 43 et août 44, plus de 10 000 prisonniers sont passés par cette prison qui est devenue un Mémorial National, un bouleversant lieu de mémoire: on y voit les cellules de 4 m2 où on entassait jusqu’à huit détenus, on y voit la cellule où Jean Moulin a été incarcéré.
  En 1983, sur ordre de Robert Badinter, ministre de la justice, Klaus Barbie y sera symboliquement incarcéré avant son procès.
Les cinq émissions -Jean Moulin, un Français libre- décrivent avec force l’itinéraire d’un homme que l’histoire va révéler, un homme assoiffé de justice et de liberté, transcendé par ce qu’il a vécu. Francois Berriot, un de ses biographes, avec Daniel Cordier son secrétaire, nous dit que « Jean Moulin c’est l’honneur de l’espèce humaine».

  La même semaine sur France Culture on a pu redécouvrir la vie d’un autre type de résistant. L’émission de Jean-Noël Jeanneney «Concordance des temps» invitait l’historien Pascal Ory à parler de … Pierre Dac!

   Mais me direz-vous, quel rapport avec Jean Moulin? 

  Pierre Dac, issu d’une famille juive alsacienne, qui est exposé en ce moment au musée d’art et d’histoire du judaïsme à Paris, l’auteur de sketches désopilants en compagnie de son complice Francis Blanche et de maximes frappées au coin du non-sens… et du bon sens: 

– Il faut se suicider jeune quand on veut profiter de la mort.

– Quand l’avocat n’est pas cru, le client est cuit.

– Quand on va au fond des choses, on risque d’y rester.

– Parler pour ne rien dire et ne rien dire pour parler sont les deux principes majeurs et rigoureux de tous ceux qui  feraient mieux de la fermer avant de l’ouvrir.

– Si vous avez les yeux plus gros que le ventre, vous n’êtes pas prêt de trouver une paire de lunettes…

-Ce n’est pas parce qu’en hiver on dit :”Fermez la porte, il fait froid dehors”, qu’il fait moins froid dehors quand la porte est fermée.

-La mort n’est, en définitive, que le résultat d’un défaut d’éducation puisqu’elle est la conséquence d’un manque de savoir-vivre.

-Il y en a qui sont faits pour commander et d’autres pour obéir. Moi je suis fait pour les deux: j’ai obéi à mes instincts en commandant un deuxième pastis.

-Les rêves ont été créés pour qu’on ne s’ennuie pas pendant le sommeil.

-L’avenir, c’est du passé en préparation.

   Pierre Dac, dis-je, a été l’un des premiers à rejoindre l’Angleterre pour être l’une des voix de la France Libre sur Radio Londres. Dans l’émission «Les Français parlent aux Français», il va mener une guerre des mots contre Radio Paris.

   Il est beaucoup question de radio -inépuisable source de savoir et de connaissances- dans cette chronique et nous avons aujourd’hui la possibilité de réécouter quand nous le souhaitons  ces émissions – en « peau de caste », comme disait Philippe Meyer- .

   Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, l’émission religieuse Talmudiques de M.A. Ouaknin, ce dimanche matin rediffuse «L’humour de Pierre Dac: une certaine idée de l’humanité. »

One thought on “Kaléidoscope 237: Jean Moulin et Pierre Dac.

  1. Un très beau billet sur un homme exceptionnel ! Les émissions de la grande traversée sont vraiment très très intéressantes. Merci Michel

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