Il y a près de deux ans, j’avais consacré mon 142e kaléidoscope au livre de Vinciane Despret  « Habiter en oiseau » (à retrouver sur ce blogue) dans la belle collection « Mondes sauvages » des éditions Actes Sud, une collection pour repenser notre relation à la nature. Elle est aujourd’hui riche d’une trentaine de livres aux titres évocateurs : L’ours, l’autre de l’homme- Manières d’être vivant- Réensauvageons la France-  Penser comme un iceberg- Autobiographie d’un poulpe- Dans le sillage des corbeaux…

   La librairie Lucioles (un lampyridé qui aura peut-être un jour droit à  un livre de la collection!) recevait cette semaine deux auteurs publiés dans Mondes sauvages: Raphaël Mathevet, l’un des auteurs de « Sangliers, géographie d’un animal politique » et Laurent Tillon qui a écrit « Les fantômes de la nuit » sous-titré «des chauves-souris et des hommes ».

   Dialogue passionnant sur des animaux imprévisibles, proches des humains qui les craignent sans les connaître.

   J’ai souvent croisé le chemin des cochons sauvages et je me souviens de ce petit matin où nous avons découvert notre « pelouse » -pré plutôt- profondément labourée pendant la nuit par une horde de sangliers amateurs de lombrics.

       Mais j’ai vraiment découvert avec le livre de Laurent Tillon, « Les fantômes de la nuit », un univers dont j’ignorais presque tout.

   Je ne savais pas que les chauves-souris sont les seuls mammifères volants.

   Je ne savais pas qu’une seule pipistrelle est capable de dévorer en une nuit près de 600 moustiques et qu’un murin de Bechstein peut engloutir plus de 60 000 chenilles pendant le mois de leur émergence sur les feuilles de chêne au printemps.

   Je ne savais pas que, « après les rongeurs, l’ordre des chiroptères est le plus diversifié des mammifères. Au début des années 2000, les scientifiques estimaient qu’il y avait plus de 1200 espèces de chauves-souris à travers le monde. »

   Je ne savais pas que des chauves-souris peuvent vivre près de 40 ans et qu’aucun animal aussi petit n’a vécu aussi longtemps.

   Je ne savais pas que le cœur d’une chauve-souris peut battre jusqu’à 1000 pulsations par minute. Avec à peine 200 pulsations, les grands sportifs peuvent aller se rhabiller!

   Ce qui est le plus fascinant avec ces créatures de la nuit, c’est leur intelligence collective, leur capacité à organiser de véritables crèches pour élever collectivement les petits, à chasser en meute comme savent le faire les loups et les orques.

   Je vous laisse découvrir, dans ce livre passionnant, comment des chiroptérologues -nom barbare des scientifiques qui étudient les chauves-souris- vont devenir le «sujet d’étude» d’un rhinolophe de  six grammes: « Avec le recul, je me demande s’il n’était pas venu nous inviter à reconsidérer les relations que nous devons tisser avec les vivants de son espèce. » écrit Laurent Tillon qui ajoute que « la vie sociale des chauves-souris est si riche et si intense que nous pourrions bien être nous-mêmes au centre des intérêts de ces fantômes qui peuplent nos nuits… »

   Au cours de cette soirée, la librairie a rendu hommage à Jean-Paul Capitani -mort cette semaine à cause d’une chute de vélo dans les rues d’Arles- qui, à la tête des éditions Actes Sud en compagnie de son épouse Françoise Nyssen, a eu l’idée, lui qui était ingénieur agronome, de publier des livres sur la nature et a proposé à Stéphane Durand de créer la collection « Mondes sauvages ».

   Ce kaléidoscope est dédié à un homme que j’ai eu la chance de côtoyer pendant toute ma vie de libraire, un homme qui m’a fait découvrir -entre autres- Russell Banks, un homme toujours attentif aux libraires qu’il connaissait si bien, ayant créé lui-même la librairie Actes Sud en Arles.

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