Le 11 mai 1987, il y a 38 ans, s’ouvrait au tribunal de Lyon, le procès de Klaus Barbie, le chef de la Gestapo de Lyon de 1942 à 1944.
Pour la première fois en France, un homme était jugé pour crimes contre l’humanité. Et Robert Badinter, le ministre de la justice, avait tenu à ce que l’intégralité des audiences soient filmées. Il avait aussi tenu à ce que celui qu’on a surnommé le boucher de Lyon soit incarcéré, après avoir été extradé de Bolivie en 1983, à la prison militaire de Montluc pendant une semaine, sur le lieu de ses crimes, seul dans une cellule avec les ombres des personnes qu’il avait martyrisées.
Le procès de Klaus Barbie, le documentaire de Gabriel Le Bomin, en trois parties de 55 minutes, montré pour la première fois cette semaine sur France 2 ( et bien entendu disponible en replay) est une émouvante et puissante leçon d’histoire qu’il faudrait diffuser dans tous les lycées de France. Le film retrace ces deux mois où témoigneront les survivants qui vont raviver la mémoire des 14000 juifs et résistants qui ont eu affaire à Barbie et dont aucun, plus de quarante ans après, n’a oublié le regard glaçant qui les a marqués à jamais. Devant les témoignages insoutenables de ces hommes et de ces femmes, qui, pour la plupart, n’avaient jamais parlé avant, même à leurs proches, des atrocités commises dans les camps où les a envoyés Barbie et l’abominable odeur des fumées des fours crématoires, les propos du sinistre Faurisson qui, devant le tribunal nie avec un sourire l’existence des camps d’extermination, provoque notre dégoût… et semble finalement aussi pitoyable que ces jeunes nazillons défilant dans les rues de Lyon pour dénoncer la tenue du procès.
Le documentaire revient sur la cavale de plus de quarante ans de Klaus Barbie qui sera au service de l’armée des États-Unis de 1947 à 1951, très intéressée par l’expérience acquise par le bourreau de Lyon contre la résistance communiste. En 1951, il est exfiltré -avec le concours de la CIA- vers l’Argentine, puis la Bolivie sous la fausse identité de Klaus Altmann. Il collabore avec l’armée Bolivienne et sera « conseiller en torture » des opposants à la dictature!
L’un des témoignages les plus bouleversants est celui de la seule survivante de la rafle d’Izieu le 6 avril 1944 sur ordre de Klaus Barbie. Les quarante-quatre enfants juifs et leurs sept éducateurs ne reviendront pas des camps. La mémoire s’est transformée en histoire pour que personne n’oublie le visage des enfants d’Izieu, le visage de l’humanité.
À la fin de son réquisitoire, le procureur général Pierre Truche, qui n’aura cessé d’essayer de fendre l’armure du criminel de guerre, terminera son réquisitoire par ces mots d’une force sidérante: « je vous demande qu’à vie, Barbie soit reclus. »
Cette même semaine, nous avons pu voir à « la Grande Librairie » le remarquable entretien qu’Augustin Trapenard a réalisé à Istanbul, au cœur d’une ville dont le peuple continue à se soulever contre la tyrannie et l’arbitraire du régime d’Erdogan, avec Ahmet Altan. J’ai découvert le visage de cet écrivain qui est sorti de prison mais n’a pas le droit de quitter son pays, je l’ai entendu parler intensément de l’état de la liberté dans le monde et de la puissance de la littérature qui lui a permis d’être libre derrière les barreaux ( voir mon avant-dernier kaléidoscope).
Et cette même semaine, nous avons appris que Robert Badinter entrerait cette année au Panthéon le jour anniversaire de l’abolition de la peine de mort le 9 octobre 1981.
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