Il y a maintenant dix-huit ans qu’a surgi dans l’univers des réseaux sociaux ce joli logo d’un oiseau bleu. L’idée de départ du fondateur Jack Dorsey était de permettre aux utilisateurs de partager facilement leurs petits moments de vie avec leurs amis. La contrainte du format court ( 140 caractères maximum) avait pour but d’inciter les internautes à la concision, à faire preuve d’inventivité et d’humour.
Le nom de Twitter et l’envoi gratuit de messages appelés tweets ou gazouillis avaient un petit côté ludique et poétique qui a immédiatement séduit. Fin 2012, six ans après sa création le réseau gazouillait auprès de 500 millions d’utilisateurs et les mots Twitter et tweeter entraient dans le petit Larousse.
On a un peu oublié que Twitter, en démocratisant l’information en la diffusant instantanément a eu un rôle important dans les mouvements sociaux comme le Printemps arabe, Black Lives Matter ou #MeToo en facilitant l’organisation de manifestations.
Quand Elon Musk achète Twitter en 2022 pour la somme astronomique de 44 milliards de dollars, tout le monde se demande quel est l’objectif de celui qui est aujourd’hui l’homme le plus riche de la planète. Les analystes financiers estiment que l’investissement est démesuré. Personne, à ce moment-là, n’a vraiment compris que les objectifs de Musk étaient davantage idéologiques que financiers. Le tycoon a décidé de changer de fond en comble le réseau social. Il commence par virer la direction et surtout les modérateurs. Son mantra, en bon libertarien, est la liberté d’expression sans aucune limite et tous les complotistes dont les comptes avaient été supprimés, à commencer par Trump, sont accueillis à bras ouverts. Les propos haineux, la misogynie, le racisme… sont à nouveau les bienvenus.
En juillet 2023, Musk tord le cou de l’oiseau bleu, son gazouillis étranglé, et Twitter devient X. Les tweets sont renommés posts.
On connaît la suite: Musk enrôle X dans sa croisade pour Trump et lui apporte un appui décisif; au moment du rachat, Twitter comptait 100 millions d’utilisateurs aux États-Unis, plus proches de Harris que de Trump -Barack Obama est encore le deuxième compte le plus suivi avec 131 millions d’abonnés- ( le premier étant Elon Musk!) Dans un article récent de Libération intitulé: « Le jour de l’investiture de Trump, quittons X » David Chavalarias, directeur de recherches au CNRS, constate: « en rachetant Twitter, Musk a donc réalisé un coup de maître : il a acquis les données personnelles et l’environnement informationnel d’une grande partie des électeurs démocrates et des indécis. » Et il ajoute: « Les messages de Musk et de ses équipes sont tout, sauf de l’information : ils ont diffusé de fausses vidéos de Kamala Harris, sans en préciser la nature, promu de fausses informations sur les processus électoraux ou les migrants, organisé des loteries à un million de dollars qui s’apparentent à de l’achat de votes, relayé des campagnes frauduleuses organisées par ses équipes. » Le chercheur invite les internautes à reprendre la main sur leur espace informationnel : « la bonne nouvelle est que cela est relativement facile. N’oublions pas que c’est nous, utilisateurs, et uniquement nous, qui faisons la valeur d’un réseau social. Comme disait Coluche : « Il suffit qu’on arrête d’acheter pour que cela ne se vende plus. » Les principales alternatives à X sont Mastodon et BlueSky où l’internaute est maître de ses données, ce qui n’est plus le cas avec X.
Rester sur le réseau social de Musk n’est plus tenable moralement quand on sait que le conseiller spécial de Trump préconise une profonde dérégulation de l’économie américaine, des réductions massives d’effectifs dans l’administration, la suppression des subventions en particulier à l’agence de protection de l’environnement et au planning familial. Il veut réduire de manière radicale le rôle de l’État fédéral et préconise de supprimer 500 milliards de dépenses.
De nombreux journaux européens ont mis en veille leur compte sur X, comme The Guardian, la Vanguardia, Sud-Ouest et Ouest France. Il faut espérer qu’ils soient rejoints massivement par tous les organes de presse du vieux continent.
On peut aussi rêver que l’Europe s’unisse pour prendre des sanctions contre un homme et son réseau qui soutiennent ouvertement les partis d’extrême droite européen et voudrait peser de tout son poids pour les faire arriver au pouvoir.
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