Mon kaléidoscope consacré au lierre, publié il y a deux ans et demi, m’avait valu de nombreuses réactions, dont celle de Jean-Michel qui n’avait pas hésité à en informer son lierre aujourd’hui trentenaire, autant dire la prime jeunesse. J’espère que cet éloge a fait fructifier davantage ce fringant végétal.
   En plein  cœur d’un été particulièrement chaud, il y a un végétal qui reste,  inexorablement -immarcesciblement si on veut faire le malin!-, d’un vert  sombre et brillant : le lierre. Et comme chaque année on s’inquiète de sa prolifération. Nous verrons, tout à l’heure, que nous avons tort.
    Mais au fait quelle est la racine -si j’ose dire- étymologique de ce  mot ? En latin hedera signifie « être attaché » qui a donné erre puis  iere, ierre et même hyerre. Au XIVeme siècle l’ierre s’attache  (décidément !) à l’article et devient lierre. Cette plante, née sous le  signe de l’attachement, est même devenue le symbole de l’amour fidèle  chanté par les poètes comme Louis Aragon :
 « Le lierre de tes bras à ce monde me lie 
  Je ne peux pas mourir Celui qui meurt oublie. »   ou Yves Bonnefoy : 
 « Plutôt le lierre, disais-tu, l’attachement du lierre aux pierres de sa nuit : présence sans issue, visage sans racine. »    De manière plus prosaïque, dès l’antiquité, le lierre a mauvaise réputation. Pline l’ancien dit : « il est nocif pour les arbres et les plantes, et réussit à s’insinuer dans les tombes et les murs. » Diable ! 
   Laissons donc la parole à la défense, au lierre en personne que Pierre Déom, le fondateur de La Hulotte, le journal le plus lu dans les terriers ( voir K51 : Hulotte, coccinelle et coquelicots)  a réussi -je ne sais comment- à faire parler : « certains ignorants me  traitent de plante parasite… Rien de plus faux : si je me sers de  l’arbre, c’est comme support, rien de plus. Je suis autonome, j’ai mon  propre système de racines. Certes, mes crampons se collent à l’écorce,  mais ils se gardent bien de pénétrer à l’intérieur de l’arbre. Et la  preuve que je ne suis pas un parasite, c’est qu’un lierre peut fort bien  passer sa vie entière sur un poteau électrique en ciment -essayez donc  de lui sucer de la sève à celui-là-. La seule chose que je demande,  c’est que quelqu’un me fasse la courte échelle pour monter vers le ciel.  Pour le reste je ne réclame rien, pas un verre d’eau, pas un gramme de  chlorophylle, pas la plus petite goutte de sève! »
     Le lierre ne mérite vraiment pas ce surnom de  « bourreau des arbres »  qui lui colle aux feuilles depuis la nuit des temps. Au contraire il  absorbe l’excès d’humidité et a une action chimique inhibitrice sur les  champignons, bactéries ou parasites pouvant s’attaquer à un arbre. En  outre la chute des feuilles apporte des minéraux au sol, ce qui favorise  la croissance des arbres. Encore plus étonnant et, je le reconnais  contre-intuitif, « certaines études scientifiques prouvent que, dans  certaines forêts, les arbres porteurs de lierre étaient en moyenne  légèrement plus grands, plus gros et en meilleure santé que ceux qui en  étaient dépourvus. Plus fort encore : en étudiant les anneaux de  croissance des troncs, on démontra que certains arbres s’étaient mis à  augmenter leur production de bois après que le lierre se soit mis à  monter sur leur tronc. »
    Ces deux numéros de la Hulotte  consacrés au lierre (106 et 107) fourmillent d’informations encore plus  étonnantes. Je ne savais pas que le miel de lierre est l’un des  meilleurs et qu’un lierre âgé d’une trentaine d’années ( la prime  jeunesse puisque cette liane atteint facilement 100 ans et même 1000 ans  s’il dispose d’un bon support) produisait chaque jour entre un et deux  milliards de grains de pollen! J’ignorais que tant d’oiseaux   choisissaient le lierre pour y construire leur nid : roitelets, merles,  grives, pinsons, geais…et même des écureuils ou des lérots.  Encore  plus étonnant, sur les murs des villes (qu’il n’abîme pas, s’ils sont  en bon état, mais qu’il protège de la pluie, des dégâts du gel et des  écarts de température) le lierre se révèle un extraordinaire filtre à  particules : « On a retrouvé jusqu’à 20 000 particules fines sur un seul  millimètre carré de lierre. » On n’ira pas, cependant, jusqu’à le laisser  aller sur les toits dont il peut facilement soulever les tuiles.  Si  je n’ai pas réussi à vous convaincre des bienfaits de ce symbole de  l’amitié qui embrasse les arbres sans aucune retenue, lisez ces deux  passionnants numéros de la Hulotte, illustrés avec beaucoup d’humour par  Pierre Déom lui-même.
   Et pour en «rajouter  une couche», Wikipedia m’apprend que le lierre entre dans la composition  de pommades  contre la cellulite et qu’Il est même utilisé comme  antitussif et antispasmodique.
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