Accueil

KALÉIDOSCOPES !

Fragments culturels paraissant chaque samedi matin

Kaléidoscope 114: Juliette Gréco, belle et rebelle .


 Si tu t'imagines

Si tu t’imagines

si tu t’imagines

fillette fillette

si tu t’imagines

xa va xa va xa

va durer toujours

la saison des za

la saison des za

saison des amours

ce que tu te goures

fillette fillette

ce que tu te goures

Si tu crois petite

si tu crois ah ah

que ton teint de rose

ta taille de guêpe

tes mignons biceps

tes ongles d’émail

ta cuisse de nymphe

et ton pied léger

si tu crois petite

xa va xa va xa va

va durer toujours

ce que tu te goures

fillette fillette

ce que tu te goures

les beaux jours s’en vont

les beaux jours de fête

soleils et planètes

tournent tous en rond

mais toi ma petite

tu marches tout droit

vers sque tu vois pas

très sournois s’approchent

la ride véloce

la pesante graisse

le menton triplé

le muscle avachi

allons cueille cueille

les roses les roses

roses de la vie

et que leurs pétales

soient la mer étale

de tous les bonheurs

allons cueille cueille

si tu le fais pas

ce que tu te goures

fillette fillette

ce que tu te goures.

Qui mieux que Juliette Gréco pouvait interpréter ce texte de Raymond Queneau que JeanPaul Sartre lui proposa en 1947 et que Joseph Kosma mit en musique ?

Cette variation sur la fuite du temps et ce clin d’œil à Mignonne allons voir si la rose de

Ronsard semble avoir été écrit pour elle.

Juliette Gréco a vécu sa vie en toute liberté, elle a toujours refusé les conformismes.

Sa traversée du XXe siècle est résolument hors normes : on sait qu’elle fut dans les

années d’après-guerre une icône de Saint-Germain-des-Prés où elle a côtoyé

Prévert, Vian, Queneau, Sartre, Beauvoir, Merleau-Ponty, Brel, Brassens, Ferré,

Gainsbourg …

Son pouvoir de fascination est incroyable. Elle danse, elle s’amuse, devient la grande

amie de Françoise Sagan. “J’ai eu une chance folle. Une existence très particulière, pas

normale du tout. Dans les cadeaux qu’elle m’a faits, j’ai été la plus riche des va-nu-

pieds.”

Mais cette insouciance cache une blessure qui remonte à une enfance mal-aimée, par

sa mère en particulier : “j’ai peur de ne pas être aimé. J’ai peur de cela depuis toute

petite et ça continue.”

Elle va vivre avec Miles Davis une magnifique passion. Elle est blanche, il est noir. Ils

sont tous les deux très beaux. Un jour Juliette emmène Miles dans un grand restaurant

vide…où on leur dit que tout est complet. Juliette Gréco prend délicatement la main du

maître d’hôtel et crache dedans.

Juliette Gréco n’a jamais été tiède: “Je suis résistante, j’ai un sale caractère, ce qui est

une qualité.” C’est cette femme libre qui chante, quelques mois avant mai 68 ,cette

chanson provocatrice où elle exprime toute sa sensualité et la force de son désir:

Déshabillez-moi. Jusqu’à la chute autoritaire et dominatrice où elle renverse les rôles :

Et vous! Déshabillez-vous!

Quatre mois après Michel Piccoli, dont elle a partagé la vie et les engagements

pendant onze années, l’autre grande dame en noir de la chanson française s’en est

allée… En 2016, à 89 ans, elle avait donné un récital au théâtre de la Ville, l’année

d’avant elle était au Printemps de Bourges pour interpréter des chansons de Miossec,

Bénabar, Olivia Ruiz, Abd Al Malik et Benjamin Biolay, la preuve éclatante qu’elle était

toujours une muse inspirante à l’éternelle jeunesse. La scène pour elle était vitale: ”

Chanter, c’est la totale, il y a le corps, l’instinct, la tête.” Et c’est vrai que nous ne

sommes pas prêts d’oublier ces longues mains qui virevoltent, l’éclat de ce regard ,

cette longue robe noire et cette voix au phrasé si particulier qu’on reconnaît

immédiatement .

Et pour terminer cette évocation de “La Gréco” mystérieuse, scandaleuse, belle et

rebelle, insolente et charmeuse, un poème de Jacques Prévert, d’une évidente

simplicité, qu’elle a si bien chanté et qui semble la résumer.

Je suis comme je suis.

Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Quand j’ai envie de rire
Oui je ris aux éclats
J’aime celui qui m’aime
Est-ce ma faute à moi
Si ce n’est pas le même
Que j’aime à chaque fois
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Que voulez-vous de plus
Que voulez-vous de moi

Je suis faite pour plaire
Et n’y puis rien changer
Mes talons sont trop hauts
Ma taille trop cambrée
Mes seins beaucoup trop durs
Et mes yeux trop cernés
Et puis après
Qu’est-ce que ça peut vous faire
Je suis comme je suis
Je plais à qui je plais

Qu’est-ce que ça peut vous faire
Ce qui m’est arrivé
Oui j’ai aimé quelqu’un
Oui quelqu’un m’a aimée
Comme les enfants qui s’aiment
Simplement savent aimer
Aimer aimer
Pourquoi me questionner
Je suis là pour vous plaire
Et n’y puis rien changer.


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *