L’albatros
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
On aurait probablement beaucoup surpris Charles Baudelaire si on lui avait dit, il y a 180 ans que ces ” vastes oiseaux des mers” – leur envergure peut en effet atteindre 3m50- font partie des oiseaux les plus menacés de la planète. Les pêcheurs d’aujourd’hui ne les agacent plus avec leur “brûle-gueule” ( je me suis laissé dire que, même en mer, la pipe est passée de mode! Tout fout l’camp, ma bonne dame!). C’est lors du voyage en 1841 vers l’île Bourbon ( aujourd’hui La Réunion) ,imposé par son beau-père qui ne voulait pas que Charles dilapide sa fortune, qu’il fut témoin de la capture par les marins de ces grands oiseaux.
Aujourd’hui, la menace ce sont les palangres, ces lignes utilisées par les pêcheurs, qui peuvent atteindre plusieurs kilomètres dont les albatros happent les appâts des hameçons et se noient. La plupart des bateaux de pêcheurs légaux utilisent heureusement un système qui réduit la mortalité des oiseaux.
Des scientifiques français ont eu l’idée géniale d’équiper des albatros avec des balises ( ne vous inquiétez pas, ces appareils ne pèsent que 45 grammes et autant vous dire que des volatiles de 10 à 12 kilos capables de voler 1000 km dans la journée n’y voient que du feu) capables de détecter les radars des chalutiers de mer dans l’océan austral au large de l’île de La Réunion.
Un tiers des bateaux pêchent de manière illégale sur cette zone. Pendant six mois, 170 albatros équipés de ces balises ont patrouillé et permis de localiser et de faire condamner ces pêcheurs braconniers qui les menacent directement et surtout procèdent à un véritable pillage des eaux africaines. Les albatros repèrent les bateaux à 30 km et peuvent les suivre pendant des heures. Les drones et les satellites peuvent s’accrocher !
Si vous avez envie d’en savoir davantage sur cette expérience qui pourrait, à peu de frais, améliorer la biodiversité, voici le lien avec la toujours pertinente émission de Mathieu Vidard, La Terre au Carré de ce vendredi 19 juin qui lui consacre un bon reportage.
https://www.franceinter.fr/emissions/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-19-juin-2020
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