Si tu t'imagines
Si tu t’imagines
si tu t’imagines
fillette fillette
si tu t’imagines
xa va xa va xa
va durer toujours
la saison des za
la saison des za
saison des amours
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures
Si tu crois petite
si tu crois ah ah
que ton teint de rose
ta taille de guêpe
tes mignons biceps
tes ongles d’émail
ta cuisse de nymphe
et ton pied léger
si tu crois petite
xa va xa va xa va
va durer toujours
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures
les beaux jours s’en vont
les beaux jours de fête
soleils et planètes
tournent tous en rond
mais toi ma petite
tu marches tout droit
vers sque tu vois pas
très sournois s’approchent
la ride véloce
la pesante graisse
le menton triplé
le muscle avachi
allons cueille cueille
les roses les roses
roses de la vie
et que leurs pétales
soient la mer étale
de tous les bonheurs
allons cueille cueille
si tu le fais pas
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures.
Qui mieux que Juliette Gréco pouvait interpréter ce texte de Raymond Queneau que Jean–Paul Sartre lui proposa en 1947 et que Joseph Kosma mit en musique ?
Cette variation sur la fuite du temps et ce clin d’œil à Mignonne allons voir si la rose de
Ronsard semble avoir été écrit pour elle.
Juliette Gréco a vécu sa vie en toute liberté, elle a toujours refusé les conformismes.
Sa traversée du XXe siècle est résolument hors normes : on sait qu’elle fut dans les
années d’après-guerre une icône de Saint-Germain-des-Prés où elle a côtoyé
Prévert, Vian, Queneau, Sartre, Beauvoir, Merleau-Ponty, Brel, Brassens, Ferré,
Gainsbourg …
Son pouvoir de fascination est incroyable. Elle danse, elle s’amuse, devient la grande
amie de Françoise Sagan. “J’ai eu une chance folle. Une existence très particulière, pas
normale du tout. Dans les cadeaux qu’elle m’a faits, j’ai été la plus riche des va-nu-
pieds.”
Mais cette insouciance cache une blessure qui remonte à une enfance mal-aimée, par
sa mère en particulier : “j’ai peur de ne pas être aimé. J’ai peur de cela depuis toute
petite et ça continue.”
Elle va vivre avec Miles Davis une magnifique passion. Elle est blanche, il est noir. Ils
sont tous les deux très beaux. Un jour Juliette emmène Miles dans un grand restaurant
vide…où on leur dit que tout est complet. Juliette Gréco prend délicatement la main du
maître d’hôtel et crache dedans.
Juliette Gréco n’a jamais été tiède: “Je suis résistante, j’ai un sale caractère, ce qui est
une qualité.” C’est cette femme libre qui chante, quelques mois avant mai 68 ,cette
chanson provocatrice où elle exprime toute sa sensualité et la force de son désir:
Déshabillez-moi. Jusqu’à la chute autoritaire et dominatrice où elle renverse les rôles :
Et vous! Déshabillez-vous!
Quatre mois après Michel Piccoli, dont elle a partagé la vie et les engagements
pendant onze années, l’autre grande dame en noir de la chanson française s’en est
allée… En 2016, à 89 ans, elle avait donné un récital au théâtre de la Ville, l’année
d’avant elle était au Printemps de Bourges pour interpréter des chansons de Miossec,
Bénabar, Olivia Ruiz, Abd Al Malik et Benjamin Biolay, la preuve éclatante qu’elle était
toujours une muse inspirante à l’éternelle jeunesse. La scène pour elle était vitale: ”
Chanter, c’est la totale, il y a le corps, l’instinct, la tête.” Et c’est vrai que nous ne
sommes pas prêts d’oublier ces longues mains qui virevoltent, l’éclat de ce regard ,
cette longue robe noire et cette voix au phrasé si particulier qu’on reconnaît
immédiatement .
Et pour terminer cette évocation de “La Gréco” mystérieuse, scandaleuse, belle et
rebelle, insolente et charmeuse, un poème de Jacques Prévert, d’une évidente
simplicité, qu’elle a si bien chanté et qui semble la résumer.
Je suis comme je suis.
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Quand j’ai envie de rire
Oui je ris aux éclats
J’aime celui qui m’aime
Est-ce ma faute à moi
Si ce n’est pas le même
Que j’aime à chaque fois
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Que voulez-vous de plus
Que voulez-vous de moi
Je suis faite pour plaire
Et n’y puis rien changer
Mes talons sont trop hauts
Ma taille trop cambrée
Mes seins beaucoup trop durs
Et mes yeux trop cernés
Et puis après
Qu’est-ce que ça peut vous faire
Je suis comme je suis
Je plais à qui je plais
Qu’est-ce que ça peut vous faire
Ce qui m’est arrivé
Oui j’ai aimé quelqu’un
Oui quelqu’un m’a aimée
Comme les enfants qui s’aiment
Simplement savent aimer
Aimer aimer
Pourquoi me questionner
Je suis là pour vous plaire
Et n’y puis rien changer.
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