Le festival d’Avignon vient tout juste de fermer ses portes… mais je préfère dire que le théâtre est, le plus souvent, une fenêtre ouverte sur le monde, une fenêtre qui s’est brutalement refermée  en 2020 à cause du coronavirus. En juillet 2020, le festival d’Avignon avait été annulé.
L’année suivante tous les spectateurs devaient porter le masque et la fréquentation avait chuté. 
 Mais cette année le festival off d’Avignon ,créé en 1966 par André Benedetto, le fondateur du théâtre des Carmes,  pour offrir une alternative au Festival créé par Jean Vilar en 1947, a battu tous les records de fréquentation: près de deux millions de billets vendus soit 27 millions de recettes avec 1491 spectacles ( 100 de moins qu’en 2019) dont 466 créations, le tout joué par 1395 compagnies dans 141 lieux qui abritent au total 250 salles. Dans un bon nombre d’entre elles neuf spectacles se succèdent de 10h du matin à minuit. 33000 levers de rideau, qui dit mieux? Autant vous dire que ça ne traîne ni pour monter les décors ni pour les démonter!
  À la fin de chaque spectacle les acteurs écourtent les applaudissements pour dire leur reconnaissance au public d’être au rendez-vous, nous conseiller d’autres spectacles et nous demander, si nous avons aimé, de faire connaître le spectacle que nous venons de voir.
  Dans un monde où les contacts humains ont tendance à se réduire, où il est difficile d’avoir un interlocuteur dans une administration, où le virtuel s’impose au détriment du réel, où les écrans et l’intelligence artificielle gagnent chaque jour du terrain… le spectacle vivant est de plus en plus nécessaire. Nous avons besoin de ce contact physique, nous avons besoin de vibrer ensemble devant cet art de l’instant, nous avons besoin de cette communion dans l’écoute et la vision, nous avons besoin d’être emportés par des émotions ensemble, nous avons besoin de rire et de pleurer ensemble, nous avons besoin de ces fugaces moments de partage.

La saga de Molière que nous avons vue dans la belle salle du Théâtre des Carmes est emblématique de cet appétit d’un théâtre original. De digressions en anachronismes la joyeuse troupe méridionale de cinq jeunes femmes des Estivants nous embarque dans un tourbillon foutraque, ludique et incarné sur les traces de Molière et de sa troupe: «c’est assez étonnant de se rendre compte à quel point le parcours d’un dramaturge du XVIIe siècle continue à résonner avec celui d’une compagnie du XXIe siècle» dit Johana Giocardi qui mène cette sarabande endiablée où on a le sentiment que le spectacle se fabrique sous nos yeux sur ces tréteaux installés dans la salle.

   Nul doute que Molière et Benedetto auraient aimé ce spectacle; ce dernier proclamait ainsi haut et fort la nécessité du Théâtre:
« Plus la tempête est grande sur la scène, plus le héros est malmené, et plus il sert de phare pour faire le point à tous ces immobiles dans le silence de la salle, très agités à l’intérieur d’eux-mêmes et très désemparés.
Le théâtre ça les apaise, ça les soulage et ça les éclaire dedans. On peut alors penser qu’ils deviennent un peu meilleurs tous ensemble. »

   D’autres kaléidoscopes, les 128eme et 156eme, évoquent le théâtre: ils sont à retrouver sur ce blogue.

   Au programme de la semaine prochaine une rediffusion.

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