Plein ciel

L’oiseau seul
a tout le ciel
pour s’étirer
dans tous les sens.

Ce poème de PAUL VINCENSINI établit un lien avec mon précédent kaléidoscope qui faisait la part belle aux chardonnerets, traquets et autres passereaux.

J’ai rencontré Paul Vincensini pour la première fois à l’époque où je faisais du théâtre. Je connaissais déjà sa poésie et “Moi dans l’arbre ” m’avait ravi. Il avait confié à notre troupe une pièce de théâtre au titre insolite ” La jambe qui chante”. Nous étions très fiers de sa confiance et très excités à l’idée de créer ce spectacle… que nous n’avons pas réussi à monter, mais c’est une autre histoire. Je me souviens d’avoir participé à la réalisation de l’affiche de cette pièce originale dans le petit atelier de sérigraphie que possédait notre compagnie.
Autant vous dire que j’étais heureux de rencontrer Paul Vincensini qui nous avait invités dans sa maison de Rochessauve en Ardèche. Je me souviens de son rire, de ses grosses lunettes et de son imposante moustache. Nous avons passé une soirée joyeuse dans cette maison fraîche des montagnes ardéchoises. Nous y avons rencontré Marcel Maréchal, alors au sommet de sa gloire théâtrale, qui créera “La jambe qui chante” dans une adaptation radiophonique pour France Culture en 1973.
Paul Vincensini avait une haute idée de sa mission d’enseignant, multipliant les spectacles et festivals poétiques. En 1982, trois ans avant sa mort à l’âge de cinquante ans, il fut l’un des fondateurs de la maison de la poésie d’Avignon.J’aurais aimé l’avoir comme prof d’italien comme l’ami Christian que je remercie de m’avoir remis sur sa piste et de m’apprendre que l’école de Reventin-Vaugris, à deux pas de Vienne, porte son nom.
J’aime sa vision insolite du monde, son humour proche de l’absurde, la concision de sa poésie qui fait la part belle à la nature. Il est un peu tombé dans l’oubli et je suis heureux que Maële Vincensini, sa petite-fille lui ait consacré un site dont le titre aurait certainement plu à son grand-père : Vlan d’la poésie.( paulvincensini.com/#! ).
Parmi les pépites que vous y trouverez j’ai choisi ces quelques textes:

Un vrai chemin est toujours tracé dans rien. Regardez les oiseaux.

Moisson

Dans un champ de blé
Avance une chevelure
Qui lui ressemble
Celle qui la porte
N’a d’yeux que pour les oiseaux
Qui fuient à son approche
Et moi
Je ne vois qu’elle

Toujours et Jamais

Toujours et Jamais étaient toujours ensemble
ne se quittaient jamais. On les rencontrait
dans toutes les foires.
On les voyait le soir traverser le village
sur un tandem.
Toujours guidait
Jamais pédalait
C’est du moins ce qu’on supposait…
Ils avaient tous les deux une jolie casquette
L’une était noire à carreaux blancs
L’autre blanche à carreaux noirs
A cela on aurait pu les reconnaître
Mais ils passaient toujours le soir
et avec la vitesse…
Certains d’ailleurs les soupçonnaient
Non sans raison peut-être
D’échanger certains soirs leur casquette
Une autre particularité
Aurait dû les distinguer
L’un disait toujours bonjour
L’autre toujours bonsoir
Mais on ne sut jamais
Si c’était Toujours qui disait bonjour
Ou Jamais qui disait bonsoir
Car entre eux ils s’appelaient toujours
Monsieur Albert Monsieur Octave.

Dans l’arbre

T’es fou
Tire pas
C’est pas des corbeaux
C’est mes souliers

Je dors parfois dans les arbres

Paul Vincensini se voulait “archiviste du vent”. Un livre portant ce titre regroupe l’ensemble de son œuvre.

C’est lui qui disait aussi : ” Il faudrait réconcilier l’intensité des regards et la chaleur des poignées de main.”

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