Les riches sont-ils trop riches? L’hebdo le 1 dont j’ai , à plusieurs reprises recommandé la lecture, s’interroge dans son numéro 282 du 5 février ( en vente dans toutes les bonnes librairies pour 2,80€). Sans surprise, la réponse est oui! Lisez donc l’article de Léonor de Récondo intitulé Carlos au pays des merveilles, narrant son embauche comme ” violoniste saltimbanque ” au mariage de Carlos Ghosn au château de Versailles, aux frais de Renault bien entendu!
L’entretien que Gabriel Zucman accorde au 1 , intitulé “l’enjeu est de sortir d’une spirale d’injustice fiscale” est lui aussi édifiant. Cet économiste cosigne avec Emmanuel Saez un ouvrage qui vient de paraître “Le triomphe de la justice : richesse, évasion fiscale et démocratie.” Il rappelle que ” les 1% des individus les plus riches ont aux États-Unis des revenus supérieurs à 500 000 dollars par an. Ces revenus ont été multipliés par deux depuis 1980 : à l’époque, ils captaient 10 % du revenu national ; aujourd’hui, 20 %. Les super-riches – soit le 0,1 % le plus fortuné de la population (plus de 20 millions de dollars) – possèdent 7 % du patrimoine américain en 1980, contre 20 % aujourd’hui: L’équivalent de ce que possèdent les 90 % du bas.”
En 1942, dans un discours devant le congrès, le président Roosevelt affirme : « je pense qu’aucun américain ne devrait avoir un revenu après impôt supérieur à 25 000 dollars ( 1 million de dollars d’aujourd’hui) . Je propose de créer un taux marginal d’imposition à 100 % au-delà de 25 000 dollars .» Le congrès acceptera finalement 93 %. Roosevelt est convaincu que la concentration des richesses signifie la concentration des pouvoirs et la capacité d’influencer les politiques publiques et les marchés, de créer des monopoles, d’acheter des journaux, bref d’imposer une idéologie.
En proposant une imposition maximale de 100% au-delà d’un milliard de dollars de patrimoine, Bernie Sanders ( conseillé par nos deux économistes français) revient donc aux fondamentaux d’un homme qui présida aux destinées de la plus grande puissance capitaliste du monde de 1933 à 1945. C’était en temps de crise me direz-vous, mais n’est-on pas aujourd’hui au seuil d’une crise encore plus grave?
Rappelons que les successeurs de Roosevelt poursuivront cette politique largement redistributive jusque dans les années 80 où le taux d’imposition est encore de 70%. C’est le sinistre acteur de série B Ronald Reagan qui le ramènera à 28% en 1986.
Le non moins sinistre Donald Trump va aller encore plus loin: en 2017 les 400 états-uniens les plus riches, tous milliardaires, vont le voir descendre à 23%. C’est la première fois depuis plus d’un siècle que les milliardaires sont soumis à un taux d’imposition plus faible que les classes populaires : le ruissellement à l’envers en quelque sorte!
Imaginons qu’on taxe davantage, dans tous les pays du monde, les ultra-riches. Auraient-ils encore intérêt à délocaliser en permanence dans des pays où la main-d’oeuvre est taillable et corvéable à merci ? Auraient-ils encore intérêt à faire fabriquer, avec un bilan carbone catastrophique, parfois par des enfants et de quasi esclaves, des médicaments, des pièces de voiture, des smartphones …?
Laissons le dernier mot à notre duo d’économistes ( qui a étroitement travaillé avec Thomas Piketty) : ” Nous proposons un impôt de 10% par an sur les fortunes au-delà d’un milliard de dollars. Ainsi vous rabotez les grandes fortunes, vous réduisez fortement à terme la concentration des richesses, et vous générez des recettes fiscales importantes à court et moyen termes, ce qui bénéficie au reste de la population. Cela ouvre des perspectives très intéressantes pour une politique sociale ambitieuse en matière de santé ou d’éducation.”
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