Le succès de La ferme des Bertrand ( voir mon article sur ce blogue) se confirme de semaine en semaine, le bouche-à-oreille fonctionne, les gens sont émus de voir le destin de cette attachante famille de paysans de montagne. On peut voir maintenant le film dans 319 salles (et pour la deuxième semaine à Vienne). 100 000 personnes l’ont vu. Un chiffre énorme pour un documentaire. Il faut dire que le film de Gilles Perret a bénéficié d’un lancement inattendu avec le mouvement des agriculteurs qui ont bloqué une partie du pays, donnant souvent une vision caricaturale de la paysannerie, on devrait plutôt dire des paysanneries.
Le céréalier qui exploite -et le mot est à prendre au sens propre, et au sens figuré- 700 hectares dans la Beauce fait-il le même métier qu’un éleveur de porcs en Bretagne, un viticulteur de la vallée du Rhône, un maraîcher de la région nantaise, ou un éleveur de bovins du Charolais? Ce ne sont que quelques exemples de la diversité de la paysannerie française.
Et la disparité de revenus des agriculteurs est énorme et on peut même parler de grand écart entre les grands céréaliers et les grands viticulteurs qui gagnent très bien leur vie et sont les principaux bénéficiaires des subventions de la PAC. Le paradoxe, c’est qu’ils sont représentés par le même syndicat, majoritaire en France, la FNSEA que les gouvernements successifs ont désigné comme seul interlocuteur. On a même vu jadis un président de la FNSEA devenir secrétaire d’État à l’agriculture!
Le président actuel de la FNSEA, Arnaud Rousseau, non content d’exploiter ( il ne doit pas être souvent sur le tracteur!) 700 hectares de céréales dirige -entre autres- le groupe international agro-alimentaire Avril. Comment ce riche businessman, ardent défenseur d’une agriculture productiviste qui épuise, année après année, les sols peut-il prétendre représenter LES agriculteurs? 18% des foyers agricoles vivent sous le seuil de pauvreté. Un éleveur de bovins gagne en moyenne trois fois moins qu’un céréalier. En moyenne, de 2010 à 2022, les 10% des agriculteurs avec les plus faibles revenus ont perdu 4600 euros ou plus par an. Tandis que les 10% les plus riches ont gagné 80 000 euros ou plus par an.
Prétendre défendre en même temps tous ces agriculteurs est une imposture que dénoncent les membres de la Confédération paysanne ( à ne pas confondre avec la Coordination rurale, encore plus marquée à droite que la FNSEA) qui ont manifesté toute cette semaine dans l’indifférence des médias ( ils n’ont ni bloqué les routes, ni dégradé des bâtiments publics !) devant des hypermarchés qui refusent toujours de rémunérer correctement les agriculteurs et, dans la région de Rennes, devant un site d’un géant de l’agroalimentaire, le groupe Avril, histoire de rappeler qu’on ne peut pas défendre en même temps les agriculteurs et les industriels.
Les agriculteurs de la Confédération paysanne sont atterrés que le gouvernement ait capitulé en rase campagne (!), devant les revendications du syndicat majoritaire en voulant faire disparaître les normes environnementales et prolonger l’usage des pesticides dont les paysans sont les premières victimes. Ils estiment qu’aucune mesure concrète n’a été prise pour les rémunérer correctement, ni pour interdire l’importation de produits agricoles qui ne répondent pas à nos normes.
À la différence de la FNSEA et de Gabriel Attal ils ne considèrent pas les écologistes comme leurs ennemis et estiment comme eux qu’on ne sauvera pas le climat sans les agriculteurs.
Comme le dit Marine Tondelier, la secrétaire national des Écologistes, il faut favoriser le développement d’une agroécologie qui permette de garantir des sols fertiles et le respect de la ressource en eau, conditions non négociables pour maintenir une France agricole souveraine dans les prochaines décennies. Il faut interdire la vente à perte, réformer la PAC pour passer d’une aide à l’hectare à une aide par emploi.
Pour approfondir la réflexion sur l’avenir de l’agriculture , je vous invite, sur les conseils d’Eugenio, à regarder cette vidéo de BLAST, un média indépendant et citoyen, et les explications très claires de Gilles Raveau. L’agronome Marc Dufumier, au nom prédestiné y affirme que l’agroécologie peut nourrir 10 milliards d’êtres humains.
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