Très heureux que mon dernier kaléidoscope ait suscité autant d’intérêt et de commentaires de votre part.
La pensée de Bruno Latour me semble vraiment stimulante, et sur les conseils de Benjamin je vous donne le lien pour réécouter son entretien du 3 avril :
Sur le site d’AOC, quotidien d’idées en ligne, les idées fusent de toutes parts!
Hartmut Rosa – son dernier ouvrage qui vient de paraître Rendre le monde indisponible ( quel titre prémonitoire !) suggère de réinventer notre relation au monde- poursuit la réflexion de Bruno Latour dans un article intitulé Le miracle et le monstre.
” Oui, nous pouvons arrêter le monde (…) mais c’est nous et non le virus qui l’avons fait.
(…) Mais pour aller de l’avant – et c’est bien entendu le plus difficile – nous devons saisir la véritable nature des freins qui ont mis le système à l’arrêt. Des freins sociaux, je l’ai dit, mais comme la physique nous l’apprend, il faut de l’énergie pour arrêter un mouvement, et pour arrêter un mouvement mondial d’une telle ampleur, il faut beaucoup d’énergie. La question est donc la suivante : quelle est la source de motivation de l’action politique qui, en quelques semaines à peine, est capable de clouer au sol tous nos avions, de fermer nos écoles et nos universités, d’arrêter les usines ou de leur ordonner de produire des dispositifs médicaux au lieu de voitures et, incroyable, de faire cesser toutes les championnats de football dans le monde ?! Ce que je veux dire ici, c’est que c’est en fait la même force culturelle qui a fait tourner les moteurs d’accélération et qui, à présent, freine et force le système à s’arrêter. Cette force culturelle, c’est le désir de contrôle et de domination.”
Comme en écho, sur France Culture cette semaine, c’est Gilles Boeuf, professeur à La Sorbonne et ancien président du muséum d’histoire naturelle qui affirme que le confinement est une opportunité pour la biodiversité.
https://podcasts.apple.com/fr/podcast/confinement-une-opportunit%C3%A9-pour-la-biodiversit%C3%A9/id914561950?i=1000470967633
Boris Cyrulnik, ce 9 avril, toujours sur France Culture affirme que, pour le moment , nous sommes dans la résistance et pas encore dans la résilience.
Neuropsychiatre, conférencier, et auteur, notamment de “La nuit, j’écrirai des soleils”, il a étudié les processus de création littéraire à travers les épreuves de vie. Boris Cyrulnik s’inquiète d’une exacerbation des inégalités de résistance psychologique aggravées par les inégalités sociales et culturelles. Pour traverser le confinement, il prône l’entretien des liens avec les proches devenant des “tuteurs de résilience”. https://www.franceculture.fr/emissions/confinement-votre/boris-cyrulnik-on-est-dans-la-resistance-pas-encore-dans-la-resilience
Mais fidèle à une définition possible du mot kaléidoscope – succession rapide et changeante de sensations et d’impressions – je préfère conclure par un peu de poésie.
Tout d’abord celle de l’inventeur du Prince de Motordu et de son épouse la princesse Dézécolle ( grand souvenir que sa venue au siècle dernier à la librairie Lucioles!) j’ai nommé – mais vous l’aviez reconnu- le sieur Pef
Le poème fait partie d’une anthologie minuscule illustrée publiée aux éditions Rue du Monde: Bienvenue en poésie. 30 poèmes pour ta naissance.
Demande
Je me demande dans quel lit
se couche le soleil.
Je me demande où les nuits
passent leurs journées.
Je me demande pourquoi
la nuit tombe,
pourquoi le soleil se lève.
Je me demande aussi
s’ il y a encore des étoiles
derrière les nuages.
Je me demande enfin
Si le soleil, toujours lui,
aimerait avoir une ombre.
Pour fêter le printemps un haïku d’Issa
Même mon ombre est
En excellente santé
Premier matin de printemps
Une phrase de Fernando Pessoa :
La pluie cesse, et il en reste, un instant, une poussière de diamants minuscules, comme si, de là-haut, on secouait des miettes d’une grande nappe azurée.
Et pour terminer, glané au hasard de la lecture de L’Arbre-Monde de Richard Powers, fabuleux livre-univers:
“Il y a un proverbe chinois : quel est le meilleur moment pour planter un arbre? Vingt ans plus tôt.”
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