Il y a bien longtemps que je n’ai pas consacré de kaléidoscope à la poésie et je dois reconnaître que les derniers manquaient de légèreté… à l’image de notre monde et du sort que l’être humain lui réserve.
À vrai dire, le poète des vers qui suivent nous a, le plus souvent, habitués à la gravité .
Il aurait pu écrire : ” La poésie existe pour que la mort n’ait pas le dernier mot.” Ou: “La poésie est comme la sueur de la perfection mais elle doit paraître aussi fraîche que les gouttes de pluie sur le front d’une statue.” Ou: “On ne peut trouver de poésie nulle part, quand on n’en porte pas en soi.” Ou encore : “Défense de déposer de la poésie le long de mes vers.”
Il aurait pu, en effet ! Mais il n’est l’auteur d’aucune de ces citations, même si la dernière lui est souvent attribuée. Vous avez donc reconnu l’immense Victor Hugo, le poète des Châtiments, des Orientales, des Chants du crépuscule, des Contemplations dont on connaît surtout le versant sombre écrit après la mort de sa fille Léopoldine en 1843.
Vieille chanson du jeune temps appartient au premier livre des Contemplations intitulé Aurore. Écrit en 1834, ce poème primesautier, qui semble couler de source, m’a toujours enchanté par son lyrisme heureux et sensuel. Victor Hugo se moque gentiment du garçon de seize ans qu’il était, incapable de voir l’appel de cette nature amoureuse et de cette Rose sans épines.
Vieille chanson du jeune temps
Je ne songeais pas à Rose ;
Rose au bois vint avec moi ;
Nous parlions de quelque chose,
Mais je ne sais plus de quoi.
J’étais froid comme les marbres ;
Je marchais à pas distraits ;
Je parlais des fleurs, des arbres
Son œil semblait dire : ” Après ? “
La rosée offrait ses perles,
Le taillis ses parasols ;
J’allais ; j’écoutais les merles,
Et Rose les rossignols.
Moi, seize ans, et l’air morose ;
Elle, vingt ; ses yeux brillaient.
Les rossignols chantaient Rose
Et les merles me sifflaient.
Rose, droite sur ses hanches,
Leva son beau bras tremblant
Pour prendre une mûre aux branches
Je ne vis pas son bras blanc.
Une eau courait, fraîche et creuse,
Sur les mousses de velours ;
Et la nature amoureuse
Dormait dans les grands bois sourds.
Rose défit sa chaussure,
Et mit, d’un air ingénu,
Son petit pied dans l’eau pure
Je ne vis pas son pied nu.
Je ne savais que lui dire ;
Je la suivais dans le bois,
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois.
Je ne vis qu’elle était belle
Qu’en sortant des grands bois sourds.
” Soit ; n’y pensons plus ! ” dit-elle.
Depuis, j’y pense toujours.
Histoire de ne pas répondre à la prétendue injonction de Victor, Julos Beaucarne a déposé une belle musique le long des vers de Vieille chanson du jeune temps. À écouter et voir sur YouTube.
Mais, me diront ceux qui ont suivi, de qui sont donc ces liminaires citations sur la poésie ?
Je répondrai à ces angoissantes questions dans mon prochain kaléidoscope !
Un petit indice tout de même : les deux premières ont été écrites par des prix Nobel de littérature.
À suivre…
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