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KALÉIDOSCOPES !

Fragments culturels paraissant chaque samedi matin

Kaléidoscope 67: Walt et Skeezix 1921-1934

Walt & Skeezix : un titre en grandes lettres blanches sur un fond de ciel bleu où moutonnent des nuages aux formes d’animaux que regardent, assis dans l’herbe, un homme imposant et un bébé . En tout petit, la signature de l’auteur Frank King et 1921-1934. Tout en bas un chiffre énigmatique 2024.
C’est ainsi que s’offre à nous la couverture de cette bande dessinée au luxueux format que Chris Ware ( le génial dessinateur de Jimmy Corrigan ) présente ainsi: ” Gazoline Alley peut prétendre au titre d’œuvre la plus personnelle, la plus humaine et sincèrement géniale de toute l’histoire de la bande dessinée américaine.”
Et dire qu’il a fallu attendre presqu’un siècle pour découvrir- grâce aux éditions 2024-cette petite merveille !
Frank King (1883-1969) vient de l’Amérique rurale du Wisconsin et s’intéresse tout d’abord, dès 1918, aux premières automobiles, d’où le titre de sa bande dessinée Gazoline Alley. Son héros, Walt Wallet, Grand costaud célibataire rêve de mécanique et de belles bagnoles et rien ne le prédestine à devenir le père adoptif de ce bébé trouvé un matin dans un couffin devant sa porte. Après avoir tenté de le confier à d’autres, il se résigne à le garder, après l’avoir bizarrement baptisé Skeezix .
Et voilà comment nait en 1921 l’un des couples les plus attachants de la bande dessinée naissante. Chaque semaine, dans le journal du dimanche du Chicago Tribune, les lecteurs – et les lectrices- vont suivre les aventures de ce couple improbable, ce récit d’une bouleversante délicatesse où l’on voit le temps passer: “ce bébé ne pouvait pas rester éternellement âgé de dix jours. Il fallait qu’il grandisse” explique simplement Frank King.
C’est ainsi qu’au fil des semaines, des mois et des années, on voit Skeezix devenir un enfant à la houppe à la Spirou. Le lecteur est ému par la tendresse de Walt, toujours aux petits soins. Nous partons avec eux en voiture décapotable pour voir ce qui se cache derrière l’arc-en-ciel, nous les accompagnons sur le dos d’un ours blanc qui les conduit jusqu’à la maison du Père Noël, on traverse avec eux, en huit cases, les quatre saisons.
Frank King a un sens aigu de la fragilité des choses et des êtres, de l’éphémère beauté ; et la finesse de son travail, ses couleurs tour à tour vives ou pastel, nous plongent dans un univers de tendresse et de rêverie sans mièvrerie, et de contemplation de la nature.

Laissons le dernier mot à Chris Ware qui déclare dans la préface de l’édition américaine : “j’éprouvais le sentiment d’avoir découvert le parfait exemple de ce que je recherchais jusqu’alors dans la bande dessinée, une tentative de retranscrire au plus près la texture et le sentiment de la vie qui, doucement, inextricablement, désespérément, s’écoule.”


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