À chaque séjour en montagne, je suis émerveillé de la flore qu’elle abrite … et notre admiration est renforcée par notre capacité à oublier d’une année sur l’autre le nom des fleurs que nous croisons aux abords des sentiers. Nous finissons tout de même par nous souvenir de la diversité des gentianes et de leurs nuances de violet et de bleu. Ce sont aussi les couleurs des campanules qui portent si bien leur nom – campanule signifie en latin petite cloche.
J’aime citer ce Haïku mis en exergue du beau petit livre d’Hubert Reeves « J’ai vu une fleur sauvage » ( voir K 53, 194, 249 et 270 )
J’ai vu une fleur sauvage.
Quand j’ai su son nom
Je l’ai trouvée plus belle.
Et c’est vrai que parnassie des marais a une autre allure que son autre nom d’ « hépatique blanche ». J’aime la délicatesse de ses cinq pétales blancs à nervures transparentes.
C’est le moment de rendre hommage à l’application Plantnet issue d’un plateforme collaborative lancée en 2009 par des scientifiques, informaticiens et botanistes pour inventorier la biodiversité des végétaux. Elle répertorie aujourd’hui 28 000 espèces végétales.
Elle m’a permis d’identifier cet été de nombreuses saxifrages dont la saxifrage sillonnée et la saxifrage des ruisseaux, une petite fleur d’un jaune éclatant dont les racines s’installent dans les anfractuosités des rochers. N’oublions pas que son nom vient du latin saxifraga ( qui brise les pierres).
Dans la nombreuse famille des renoncules ( qui accueille aussi bien le bouton d’or que l’hellébore fétide ou les innombrables anémones) je demande la renoncule des glaciers que nous avons eu la chance d’admirer au bord d’un lac, sur les hauteurs de la Vanoise. Rose en début de floraison elle vire au blanc intense en cette saison. Originaire des régions arctiques, elle a peu de temps pour s’épanouir et malgré sa résistance au froid, elle est menacée au même titre que les glaciers au voisinage desquels elle s’installe.
J’allais oublier la linaigrette que je retrouve avec plaisir chaque année au bord des torrents et des ruisseaux. Son nom n’a rien à voir avec la vinaigrette mais cette proximité phonétique m’a permis de le retenir sans peine. J’aime ses fleurs d’un intense blanc argenté, ces aigrettes -de lin blanc- qu’ébouriffe le moindre souffle de vent. Savez-vous que, dans certaines régions, on a pu se servir de leur soie duveteuse?
Nous avons croisé dans les alpages de nombreux troupeaux de vaches, surtout des tarines et des abondances dont le lait servira à la confection du délicieux Beaufort, plusieurs familles de bouquetins mais peu de moutons, n’en déplaise à F’murr qui a quitté le plancher des vaches il y a un peu plus de sept ans. Mon dixième kaléidoscope ( passe, passe le temps…) lui était consacré. Le voici en partie:
Richard Peyzaret, ça vous dit quelque chose? Rassurez-vous, ce nom m’était inconnu avant que j’apprenne ,après sa disparition en avril 2018, qu’il était le génial créateur du Génie des Alpages sous le pseudonyme de F’murr.
Évidemment, je vous parle d’un temps que les moins de 20 ( voire 40!) ans, peuvent ne pas connaître, le temps du mythique Pilote ( mâtin, quel journal! ) où ont débuté également Fred, Gotlib, Reiser…
Mais j’en vois au fond de la classe qui se souviennent de cet univers décalé ( voire déjanté) où le berger, qui ne ressemble pas à un berger, joue aux échecs avec son chien se déplaçant sur deux pattes et qui ne ressemble pas à grand chose avec ces touffes de poils qui lui cachent les yeux, ses élucubrations sur Einstein…ou ses blagues à deux baballes !
Romuald, le bélier, n’a aucune autorité sur le troupeau (qui n’en fait qu’à sa tête ) et rate à peu près tout ce qu’il entreprend. Le troupeau est composé de 200 brebis en autogestion dont F’murr ne résiste pas au plaisir d’énumérer les noms. Je me contenterai de citer Clopinette, qui se souvient du temps qu’elle était un oiseau…qui survolait le bidonville de Nice, Juliette qui vit en couple avec un aigle ainsi qu’Hamlette et Tombed-Camionnette. La plupart sont dotées d’un QI plutôt élevé comme Einstein et Rostand qui dialoguent sur la théorie de la relativité.
Ceux qui n’ont pas abandonné la lecture de ce kaléidoscope primesautier vont avoir droit à deux phylactères !
Du berger au chien informe :” Tu ne devrais pas te vernir les ongles, c’est très efféminé, et les moutons ne t’obéiront plus.”
Un ange ( prédateur) qui atterrit sur l’alpage :”Ah là là! Les copains – je me suis collé une de ces crampes à l’aile droite ! ” ( Ce qui ne l’empêchera pas de décoller en embarquant une brebis).
Le trait délicat, immédiatement reconnaissable ( comme celui de son compère Fred, le génial créateur de Philémon) me ravit autant que son humour poétique , son art du non-sens qui aurait plu à Lewis Caroll.
LE Génie des alpages, 15 tomes ( de brebis ! Fastoche! Je sais! Je n’ai pas pu résister !) à déguster ( bien frais!) aux éditions Dargaud. Rien que les titres sont tout un programme: Barre-toi de mon herbe! – Sabotage et pâturage – Cheptel maudit – Un grand silence frisé…
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