Notre monde n’est pas au mieux de sa forme ! Et ce n’est pas le nouvel album de Reporters sans frontières, 100 photos pour la liberté de la presse qui va nous redonner le moral. Le classement mondial de la liberté de la presse -réalisé chaque année depuis 2002 par RSF- montre que les conditions d’exercice du journalisme sont mauvaises dans la moitié des pays du monde et satisfaisantes dans moins d’un quart. Pire encore, dans 42 pays -regroupant 57 % de la population mondiale- la liberté de la presse n’est absolument pas respectée. Et les fake News, sous l’impulsion de Trump et de ses troupes, font douter de la réalité.
Et c’est la réalité du peuple américain des années 50 à 80 que nous fait découvrir Vivian Maier dans ce 79ème album de RSF à travers 100 clichés saisissants, 100 moments suspendus surpris dans les rues de Chicago ou de New-York.
C’est le livre que Gaëlle Josse avait consacré à cette photographe méconnue en 2019 ( voir K43 Vivian Maier: Une femme en contre-jour sur ce blogue ) qui m’avait fait découvrir cet incroyable destin: en 2007, à l’occasion d’une vente aux enchères, un agent immobilier tombe par hasard sur près de 140 000 négatifs de Vivian Maier dont la plupart n’avaient jamais été développés. Des photos prises à New York en 1951 et à Chicago à partir de 1956 et quasiment jusqu’à sa mort, en 2009, dans le plus total anonymat. Cette femme taciturne et solitaire – qui a des racines françaises dans la vallée du Champsaur où on lui rend désormais hommage chaque année- a été pendant plus de quarante ans gouvernante et bonne à tout faire… elle n’a jamais cessé de prendre des photos. Et quelles photos!
Dans son bel avant-propos, Camille Laurens souligne à quel point ces photos font surgir un monde oublié, celui des abandonnés du rêve américain. Des clichés presque tous saisis dans les rues des villes: des enfants jouant dans une impasse, une petite fille au visage barbouillé et au bord des larmes. Le regard de Vivian Maier capte souvent le regard étonné ou réprobateur de ses modèles saisis dans l’éternité d’un instant: « Que nous dit ce texte du monde que Vivian, lectrice anonyme, déchiffre de tous ses yeux -elle en a même derrière la tête?- Il nous dit les riches et les pauvres, les Noirs et les Blancs, les enfants et les grandes personnes, les hommes et les femmes, la ville et la solitude, le jeu et la tristesse, le métal et l’animal, l’amertume et le rêve américain. Il nous montre les différences qui ne changent pas, ou guère, nous fait voir plus ou moins tendrement des antagonisme pérennes. »
Vous ne pourrez pas oublier l’autoportrait de la couverture de ce recueil de 144 pages ( 12€50 dans toutes les bonnes librairies. 100% des bénéfices financent les actions de défense du droit à l’information de Reporters sans frontières.) Dans le miroir d’une vitrine de New York, il y a 70 ans, auréolée par son chapeau, concentrée sur son reflet, mains tenant son précieux Rolleiflex à hauteur de poitrine, Vivian Maier nous regarde pour l’éternité.
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