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KALÉIDOSCOPES !

Fragments culturels paraissant chaque samedi matin

 Kaléidoscope 312: Poésie. Mes forêts d’Hélène Dorion.

     

  Depuis bientôt sept ans, mes kaléidoscopes ont fait la part belle à la poésie qui a traversé toutes les époques et est peut-être la forme la plus ancienne de littérature: en témoignent à Sumer « l’épopée de Gilgamesh », en Égypte les hymnes. Dès l’époque grecque, la lyre a symbolisé la poésie et elle est encore considérée aujourd’hui dans certains pays et certaines civilisations comme le genre littéraire majeur.
 J’avais évoqué il y a tout juste six ans la poésie baroque qui résonne étrangement à nos oreilles avec ses volutes sinueuses et ses miroitements. Voici le premier quatrain d’un sonnet de Pierre de Marbeuf (1596-1645):

Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage,
Et la mère est amère, et l’amour est amer,
L’on s’abîme en l’amour aussi bien qu’en la mer,
Car la mer et l’amour ne sont point sans orage.

La suite sur mon 45ème envoi grâce au moteur de recherche en tapant Marbeuf ou baroque dans la case « Rechercher » en bas de la page d’accueil.

   Si vous préférez la poésie arabo-andalouse, celle de Louise Labé, de Pierre Corneille ou de Victor Hugo  K157,206, 48 et 77 vous attendent.

   J’ai aussi évoqué la poésie contemporaine de Desnos, Prévert, Obaldia, Cadou, Vincensini,Darwich, Jaccottet, Juliet… et des poètes vivants comme René Depestre, Antonio Gamoneda, Valérie Rouzeau, Joël Vernet…

   Et au moment où s’achève la 27ème édition du Printemps des poètes dont le thème 

« volcanique » célébrait l’énergie créatrice et la poésie comme force vive, je voudrais vous dire quelques mots d’Hélène Dorion. Si vous avez des enfants ou des petits-enfants qui passent leur bac de Français, son nom ne devrait pas vous être inconnu: née en 1958, Hélène Dorion est la première Québécoise et première femme vivante au programme du baccalauréat de 2025.

   Son recueil intitulé Mes forêts est paru dans la belle collection de poche Sacoche d’un très grand petit éditeur Bruno Doucey. Hélène Dorion a grandi dans les grands espaces ( beaucoup de « grand » dans ces deux phrases, mais c’est fait exprès !) du Canada, dans une nature sauvage et démesurée qui intime le respect aux êtres humains. Et Hélène Dorion est une personne profondément humaine que son éditeur nous présente ainsi: « Dans la cartographie émouvante du monde littéraire qui se dessine sous nos yeux, elle est depuis longtemps un de ces  points géodésiques par lesquels nous définissons avec justesse la longitude, la latitude et l’altitude de notre rapport à la vie. J’aime son œuvre. (…) En évoquant les forêts, elle touche à un thème universel: 

Rêve-t-elle d’autres saisons

la forêt qui promène ses ombres 

au-dessus de nous

des bêtes aveugles 

engouffrent nos vies embrouillées

quand tanguent les arbres 

rêve-t-elle d’oiseaux 

venus chasser les vestiges 

glisser l’aile fragile d’un espoir 

la chute ne fait aucun bruit 

dans la forêt    ne laisse aucune trace 

l’agneau déserte le troupeau.

Il fait un temps de foudre et de lambeaux 

d’arbres abattus 

au-dedans de soi 

il fait pluie maigre 

un temps de glace 

et de rêves qui fondent

dans le labyrinthe des miroirs

 le dos courbé    le poids des silences

guerres    famines     tristes duretés 

c’est seulement l’hiver 

sur l’écran d’aujourd’hui 

s’annoncent les orages de demain

des chiffres pour ne rien dire 

de l’inquiétude qui brûle nos mots 

lettres échevelées 

bientôt cassées comme pib

nip   fmi

 il fait un temps à s’enfermer 

dans nos maisons de forêt 

avec le bruit secret des nuages 

qui souffle 

de l’autre côté de la nuit

   Dans une conférence prononcée à Nantes en 2018, Hélène Dorion parle avec force de l’importance de son rapport à l’arbre :

« Un arbre m’apprend à vivre, à traverser l’hiver. Quand certains événements difficiles surviennent dans nos vies, quand de grandes vagues nous happent, nous vivons comme un hiver. Cela nous arrache toutes les feuilles, nous sommes des branches nues. Laisser s’en aller toutes ces feuilles, ne pas se briser… Le printemps finit par revenir. »


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