« Il faudrait toujours être en route pour l’Alaska. Mais y arriver à quoi bon. J’ai fait mon sac. C’est la nuit. Un jour je quitte Manosque-les-Plateaux, Manosque-les-Couteaux, c’est février, les bars ne désemplissent pas, la fumée et la bière, je pars, le bout du monde, sur la Grande Bleue, vers le cristal et le péril, je pars. Je ne veux plus mourir d’ennui, de bière, d’une balle perdue. De malheur. Je pars. Tu es folle. Ils se moquent. Ils se moquent toujours–toute seule sur des bateaux avec des hordes d’hommes, tu es folle… Ils rient.
Riez. Riez. Buvez. Défoncez-vous. Mourez si vous voulez. Pas moi. Je pars pêcher en Alaska. Salut.
Je suis partie. »
Ainsi commence «Le grand marin» de Catherine Poulain dont la lecture en 2016 m’avait fortement impressionné. Un récit haletant, syncopé, un premier roman habité nourri de dix ans d’une vie âpre, constamment sur le fil du rasoir, la découverte de la violence de l’océan, de l’intensité des sensations, d’une vie où l’on regarde la mort en face, en quête d’inconnu et d’absolu. Dans ce roman largement autobiographique la frêle Lili va tomber amoureuse du grand marin, de sa détermination et de sa fragilité. Elle veut se sentir vivante, affronter les dangers, risquer la mort. « J’ai vécu la réalité de cet univers puissant et fou et âpre, un univers de travail » écrit Catherine Poulain qui voulait « juste écrire un hommage aux hommes qui m’ont permis d’entrer dans leur métier, qui m’ont respectée et qui m’ont tout appris pendant dix ans. La liberté. La découverte de l’océan qui va vous sauver la vie. Et dire aussi que tout est possible. »
Je suis très heureux de retrouver Catherine Poulain que nous avions rencontrée à Vienne à l’occasion de « Lettres sur cour » ( qui fêtera en mars ses 30 ans). Elle a accepté de présenter le film que l’actrice Dinara Drukarova a réalisé: « Je raconte mon histoire à travers celle de Catherine Poulain. Mon départ de Russie à 20 ans, le rapport à la vie, aux hommes, mon envie de franchir tous ces espaces et de prouver quelque chose. » dit la réalisatrice qui ajoute: « Quand j’ai lu le livre, j’ai tout de suite senti que derrière cette histoire personnelle, se tramait l’histoire universelle d’un être qui cherche à s’échapper de sa vie d’avant pour aller vers l’inconnu. C’était pour moi l’illustration parfaite de l’expression «larguer les amarres» et prendre le large. »
Dinara Drukarova joue aussi dans ce premier long-métrage le rôle de Lili et a transposé en Islande le roman de Catherine Poulain.
Il est toujours difficile d’adapter un livre qui repose autant sur une écriture fiévreuse et un style acéré, mais le film réussit quand même à nous faire ressentir la puissance des éléments, le choc des vagues, la fatigue et le manque de sommeil de l’équipage… Il vous reste quelques jours pour lire «Le grand marin»… et venir le jeudi 23 février à 19h30 à l’invitation de Cinéclap à l’Amphi de Vienne écouter Catherine Poulain qui présentera le film «Grand marin» et dédicacera ensuite ses livres.
Le film sera programmé à Vienne du 22 au 28 février.
À la suite de mon dernier kaléidoscope consacré à la réforme des retraites, mon ami Christian attire notre attention sur cette courte interview de Daniel Nizri, président de la ligue contre le cancer. Il y déclare que la carte de la répartition de certains cancers recoupe la carte d’éligibilité au RSA : ce sont les plus pauvres qui meurent le plus du cancer… et ne bénéficieront pas de leur retraite. Il nous fait entendre aussi le témoignage de Noëlle Lasne, médecin du travail sur le quotidien de Madame Flora, femme de ménage dans un collège ( article du Monde intitulé « La retraite, l’usure des corps ».) À retrouver en commentaire de mon précédent kaléidoscope.
Prochain kaléidoscope le samedi 25 février.
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