« Christian Bobin aux anges » titrait “Libération” après la mort le 23 novembre de cet écrivain simple et discret .
La librairie Lucioles l’avait invité il y a près de dix ans au moment de la parution de “l’homme-joie” qui commençait, de sa belle écriture, par ces mots : « écrire c’est dessiner une porte sur un mur infranchissable, et puis l’ouvrir. » Et se terminait ainsi : « J’ai pris la main du diable. Sous ses ongles noirs j’ai vu de la lumière. » Entre ces deux bornes, quinze récits, des portraits de son père, de Soulages, de Glenn Gould, une lettre à « la plus que vive » la femme aimée et perdue.
Ce “voyageur immobile”, vivant à dix kilomètres du Creusot où il était né, nous laisse une cinquantaine de livres, brefs le plus souvent. En en retrouvant quelques-uns dans ma bibliothèque, je suis émerveillé par son art des titres : L’enchantement simple. La part manquante. La folle allure. La Plus que vive. Les Ruines du ciel. Souveraineté du vide. Une bibliothèque de nuages. Éloge du rien. Un Livre inutile. La vie passante…
Christian Bobin a été découvert par de petits éditeurs dont les noms sont aussi un appel à la rêverie : Lettres vives. Fata Morgana. Le temps qu’il fait. La Passe du Vent.
Peu de temps avant sa disparition, comme une sorte de testament, les éditions Gallimard proposent une anthologie de plus de 1000 pages sous le beau titre « Les différentes régions du ciel» dans la collection Quarto.
Christian Bobin a toujours préféré la forme courte, le dépouillement de la phrase. Son attention naturelle aux petits riens de la vie me touche et la simplicité de son regard a aiguisé le mien. Je me retrouve dans sa contemplation d’un geai, d’un martin-pêcheur ou d’une marguerite solitaire dans un pré: « toute seule, triomphante dans sa solitude : elle était plus forte que les livres. J’en suis encore ébloui. L’univers reposait sur ses pétales blancs…quand rien ne se passe, il se passe beaucoup de choses. »
Christian Bobin savait regarder le monde, les vies minuscules. Comme il le disait, le poète n’a jamais fait rien d’autre que de regarder et il résumait ainsi son travail d’écrivain: « J’ai préféré aller vers ce qui semble ignorer le passage du temps : les fleurs, l’amour dans sa première timidité, l’attente, la beauté d’un visage, le silence, la longue durée … toutes ces choses que la vie moderne petit à petit commençait à nous enlever, à nous voler. »
J’avais noté il y a dix ans les mots prononcés par Christian Bobin à “La grande librairie”: « Le manège ne tourne pas tous les jours, il est parfois à l’arrêt et bâché », des mots qui entrent en résonance avec ceux de Virginia Woolf : « chaque jour contient beaucoup plus de non-être que d’être. »
“Écrire, c’est être mené à ce lieu qu’on voudrait éviter.” Ce sont les mots de Patrick Autréaux que Brigitte Giraud a mis en exergue de son quatorzième livre “Vivre vite” ( voir ici mon 206ème kaléidoscope.)
Le 22 juin 1999, Claude, son mari, est mort à Lyon dans un accident de moto. Plus de vingt ans après “Vivre vite” interroge la notion de destin, raconte l’histoire d’un homme qui tombe, mène l’enquête pour tenter de comprendre l’incompréhensible. Mais au-delà de la chronique d’une mort absurde, le livre est aussi l’histoire d’une époque, d’une génération, de sa musique et de la force du désir.
La librairie Le Rameau d’Or à Lyon a l’immense plaisir d’accueillir Brigitte Giraud pour une dédicace ce jeudi 15 décembre de 17h30 à 19h.
De 19h à 20h, je serai heureux d’animer une discussion avec la lauréate du Prix Goncourt à la mairie du 6ème (contactez Le Rameau d’Or pour assister à cette rencontre).
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