Acte I.
En 2021 les éditions Libertalia publient “Antifa” un jeu militant, nourri de l’expérience de plus de 20 ans de luttes antifascistes. Le joueur est invité à réagir à des situations de jeu comme: “Une conférence négationniste est annoncée sur les réseaux”, “Une salle de prière musulmane a été dégradée”, “Des cathos tradis mobilisés contre l’IVG”…
Les 4000 exemplaires de cet outil de formation à destination des militants sont vendus en un mois dans les librairies et par de nombreux sites internet.
Acte II.
Le 8 novembre 2022, une nouvelle version simplifiée du jeu est mise en vente. “L’éclaireur”, le journal de la FNAC, le recommande en ces termes: “Pensées au départ comme un simulateur tout à fait sérieux pour les mouvements libertaires, les mécaniques d’ Antifa ont été simplifiées afin de devenir un jeu de société accessible au public.”
Acte III.
Le député RN Grégoire de Fournas, sanctionné par l’Assemblée Nationale de 15 jours d’exclusion pour sa haineuse invective raciste: ” Qu’il retourne en Afrique!”, s’en prend à “Antifa” , s’indignant qu’un jeu antifasciste soit en vente à la FNAC; sur Twitter il poste une image du jeu avec ce message:”Case 1: je bloque une fac. Case 2: je tabasse un militant de droite. Case 3: j’attaque un meeting du RN. Case 4: je lance un cocktail Molotov sur les CRS.” “La FNAC vous n’avez pas honte?” Conclut-il. Tout cela est faux, évidemment et Fournas avouera plus tard qu’il n’a pas ouvert le jeu. La fachosphère, s’empare évidemment de la polémique et s’indigne sur les réseaux sociaux.
Acte IV.
La Fnac, dès le lendemain, annonce qu’elle fait le nécessaire pour que le jeu ne soit plus disponible dans les prochaines heures sur son catalogue. Les messages de soutien à l’éditeur d’Antifa affluent sur les réseaux sociaux et des internautes font remarquer que la Fnac continue à proposer des livres clairement antisémites comme ceux d’Alain Soral, pourtant condamné à plusieurs reprises pour incitation à la haine raciale. Silence assourdissant de la FNAC. Cyril Hanouna en remet une couche le lundi soir dans son émission: lui non plus n’a pas ouvert le jeu, pas plus que son public …qui vote à 77 % pour son interdiction.
Acte V.
48 heures après l’avoir censuré, la FNAC remet en vente le jeu. Dans un communiqué embarrassé elle constate qu’Antifa ne “comportait rien de nature à justifier un refus de commercialisation.”
On pourrait considérer que la pièce se termine bien.
Malheureusement le fait que la “prestigieuse”enseigne, agitant le drapeau de la liberté dans sa communication, ait capitulé aussi vite devant les allégations mensongères de l’extrême droite, de véritables “fake news”, est très inquiétant. “J’aurais apprécié que la Fnac nous présente des excuses, des regrets, ou ne serait-ce que des explications” dit Nicolas Norrito, fondateur de la librairie Libertalia à Montreuil et éditeur d’Antifa.
Au moment où les idées de l’extrême-droite, qui arrive au pouvoir en Italie, en Suède et en Israël, se banalisent, notre devoir de vigilance ne doit pas avoir de faille. La métaphore de Bertolt Brecht: ” Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde” est malheureusement plus que jamais d’actualité.
Seule maigre consolation de ce fiasco, les ventes d’Antifa se sont envolées et le jeu est actuellement en rupture de stock.
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