J’ai vu une fleur sauvage
Quand j’ai su son nom
Je l’ai trouvée plus belle.
Je reprends à mon compte ce haïku mis en exergue d’un livre qui ambitionne de faire connaître les fleurs sauvages de nos campagnes. On doit à Hubert Reeves, l’auteur de “Patience dans l’azur” et de “Poussières d’étoiles”, un homme qui, ayant plutôt la tête dans les étoiles, n’en a pas moins les pieds sur terre, ce beau petit livre illustré à emmener en balade: “J’ai vu une fleur sauvage”. ( que je vous ai présenté dans mon 53ème kaléidoscope). À retrouver sur son site avec de belles photos: http://www.herbier-hubert-reeves.fr/
La semaine dernière, nous avons eu la chance, dans le massif des Écrins, d’admirer -grâce à Michel Baudrand qui les connaît si bien et nous les a fait découvrir et à qui je dédie cette chronique- une incroyable diversité de fleurs, dont la plupart m’étaient inconnues… et je ne résiste pas au plaisir de vous en présenter quelques-unes. La litanie de leurs noms souvent étranges ou évocateurs me ravit: centhrante, bugrane, piloselle, alchémille, cérinthe, raiponce, scutellaire, orpin, crépide, gypsophile, adénostyle, rhinante crête de coq, renoncule des glaciers, pédiculaire arquée, potentille dorée, lotier corniculé, astragale aristé, linaire des Alpes, androsace alpine, campanule du Mont-Cenis… J’arrête ici ce florilège pour tenter de vous en détailler quelques-unes.
J’aime beaucoup le minuscule myosotis qui semble vouloir faire mentir la légende en essayant de se faire oublier à l’abri des rochers ou dans leurs anfractuosités. Son nom étrange lui vient du grec muosõtis qui signifie oreille de souris… à cause de la forme de ses feuilles… alors que c’est tout de même la beauté de ses cinq pétales réguliers, d’un bleu ciel aux subtiles nuances qui nous émerveille.
Dès qu’on s’approche d’un torrent ou d’un ruisseau la linaigrette exulte. Son nom n’a rien à voir avec la vinaigrette mais cette proximité phonétique m’a permis de le retenir sans peine. J’aime ses fleurs d’un intense blanc argenté , ces aigrettes -de lin blanc-pourrait-on dire, qu’ébouriffe le moindre souffle de vent. Je ne savais pas que, dans certaines régions, on a pu se servir de leur soie duveteuse: elle était même cueillie dans les Monts d’Arrée pendant la première guerre pour remplacer le coton.
Nous n’avons vu certaines fleurs qu’une ou deux fois pendant notre semaine de balade, comme la campanule du Mont-Cenis ou la bugrane fétide (pas si fétide que ça !) , mais d’autres nous ont accompagnés pendant toute la semaine comme l’œillet négligé ou la joubarbe à toile d’araignée. À vrai dire, je n’ai toujours pas compris pourquoi cet œillet aux subtiles nuances de rose, aux pétales délicatement dentés, qui forme de magnifiques massifs aux abords des sentiers, avait été ainsi nommé: je ne le trouve ni négligé, ni négligeable… À moins que négligé fasse référence à la tenue légère qu’on porte dans l’intimité surtout le matin? D’un rose plutôt orangé la joubarbe à toile d’araignée, aussi appelée voile de la mariée, est une plante grasse ainsi nommée à cause de ses fils blancs qui relient les extrémités des feuilles et qui imitent une toile d’araignée. Cela n’a rien de décoratif et ne sert pas non plus à piéger les insectes mais permet à la plante de se protéger du froid, elle peut ainsi résister à des températures de -30°
Voici maintenant une fleur qu’on ne peut pas qualifier de négligée. Le discret edelweiss est l’une des plus célèbres plantes des montagnes. Il n’a, à première vue, rien de particulier, mais il faut l’admirer de près pour être fasciné par la délicatesse de ses fleurs feutrées de poils blancs laineux et de l’assemblage en son cœur de cinq ou six petits capitules jaunes. Son nom insolite vient de l’allemand: edel signifie noble et weiss blanc. On l’appelle aussi étoile des glaciers ou étoile d’argent.
Je voulais aussi vous parler du gaillet jaune ( ou caille-lait) ou vous présenter toute la palette des gentianes ( il en existe trente espèces) mais ce sera pour une autre fois… si le cœur vous en dit. Et je vous dirai bientôt si j’ai pu illustrer mon blogue de quelques photos.
La splendeur de cette nature ne nous fait pas oublier qu’elle est gravement menacée. Nous avons été émerveillés et émus pendant une semaine par la beauté des cimes (de moins en moins) enneigées, la beauté des cascades, des torrents rugissants, des ruisseaux, de toute cette eau source de vie. Et je suis en complet accord avec la dernière chronique de Corinne Morel Darleux ( https://revoirleslucioles.org/) intitulée ” Sortir de l’amer” qu’elle conclut par ces mots : “revendiquons le droit au rêve sans s’excuser, cheminons sur cette ligne de crête qui lie aménité, conflictualité et radicalité, démontrons qu’il est possible de s’inquiéter du monde tout en s’en émerveillant.”
Prochain kaléidoscope dans deux semaines.
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