Les 52èmes “Rencontres photographiques d’Arles“, carrefour planétaire du 8ème art viennent d’ouvrir leurs portes: 35 expositions visibles jusqu’au 26 septembre, avec, en particulier un hommage à Sabine Weiss qui, à 96 ans, est encore curieuse de tout, elle qui a donné ses “clichés de noblesse” à une photographie humaniste, témoignage de son temps comme l’œuvre de Doisneau, Boubat ou Ronis.
Il y a dix ans les rencontres d’Arles avaient rendu hommage à une autre femme photographe longtemps oubliée Gerda Taro.
J’avais découvert en 2006 -grâce au très beau livre de François Maspéro “L’ombre d’une photographe, Gerda Taro”– une jeune femme intrépide, libre, engagée, l’une des premières photographes de guerre.
Elle est née à Stuttgart en 1910 dans une modeste famille de commerçants juifs. En 1933, elle est jetée en prison pour avoir distribué des tracts révolutionnaires et décide de fuir l’Allemagne hitlérienne. À Paris elle rencontre un obscur photographe d’origine hongroise Endre Ernö Friedmann dont elle tombe amoureuse. C’est elle qui décide d’inventer pour lui le personnage de photographe américain et de lui trouver le pseudonyme de Robert Capa. C’est avec lui qu’elle part en 1936 comme reporter de guerre aux côtés des Républicains en lutte contre les troupes du général factieux Franco. Elle veut remuer les consciences grâce à ses photos prises au plus près du front. Elle force l’admiration des soldats républicains qui l’appellent “la pequeña rubia” (la petite blonde). “Elle avait le sourire d’une jeunesse immortelle” écrit le poète Rafael Alberti. Gerda Taro ambitionne non seulement de montrer les souffrances de ceux qui luttent pour la liberté mais celles des civils, hommes, femmes et enfants, victimes des bombardements avec ses photos prises à la morgue de Valencia. C’est après avoir couvert les violents combats de Brunete en juillet 1937 que Gerda Taro trouve la mort à 27 ans. Elle est première femme photographe de presse tuée dans l’exercice de ses fonctions. Son enterrement à Paris au cimetière du Père Lachaise réunit des milliers de personnes et se transforme en manifestation antifasciste au moment où le gouvernement français décide de ne rien faire pour aider les Républicains espagnols. L’éloge funèbre est prononcé par Pablo Neruda et Louis Aragon et la tombe sera dessinée par Giacometti, tombe profanée par les nazis en 1942.
Mais alors que la photo de Robert Capa intitulée “Mort d’un soldat républicain” devient le symbole de la guerre d’Espagne, celles de sa compagne tombent dans l’oubli…pendant plus de 50 ans. C’est en 2007 qu’on retrouve au Mexique, dans des circonstances rocambolesques, 4500 négatifs, miraculeusement en bon état, pris pendant la guerre d’Espagne par Robert Capa, David Seymour ( cofondateur avec Capa de l’agence Magnum) et Gerda Taro. On découvre alors dans cette “valise mexicaine” que certaines photos attribuées à Capa ont été prises par Taro.
Si vous voulez en savoir davantage sur “la fille au Leica” , comme on l’appelait parfois, ne manquez pas l’émouvant hommage que lui rend Camille Ménager dans ce documentaire d’une heure, récit intimiste qui nous embarque “Sur les traces de Gerda Taro”.
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