“Il existe une étrange confrérie: celle des amis d’”Au-dessous du volcan”. On n’en connaît pas tous les membres et ceux-ci ne se connaissent pas tous entre eux…” Ainsi commence l’avant-propos du formidable éditeur Maurice Nadeau au livre-culte de Malcolm Lowry.
Il y a comme cela quelques grands livres-univers autour desquels se forment des cercles de lecteurs passionnés. Comme “Cent ans de solitude” ou “Le Maître et Marguerite“.
Lorsqu’il commence à l’écrire en 1928, Mikhaïl Boulgakov a 37 ans. Il a, à cette époque, à son actif, de nombreuses pièces qui allient farce et satire dans une tonalité surréaliste avant l’heure qui n’est pas vraiment du goût du stalinisme bureaucratique ambiant. Peu publié, peu joué, critiqué, Boulgakov en est réduit à des travaux alimentaires. Il parvient tout de même à faire paraître en 1925 le recueil “Endiablade” qui, dans une veine satirico-fantastique, dénonce les méfaits de la bureaucratisation de la vie et de l’univers culturel. Il sera retiré des librairies.
Le pharaonique chantier romanesque -six versions successives- du “Maître et Marguerite”, sera sans cesse repris par son auteur qui travaillera jusqu’à sa mort en 1940 sur ce livre hors-norme. Ce n’est qu’en 1966 qu’il sera enfin publié… dans une édition tronquée d’un bon tiers!
Le diable débarque à Moscou dans les années 20 ou 30 et se manifeste -sous les traits de Woland, professeur allemand spécialiste de magie noire- à Berlioz, rédacteur en chef d’une épaisse revue littéraire et du jeune poète Ponyriov écrivant sous le pseudonyme de “Sans-Logis”.
Changement de décor et d’époque dès le deuxième chapitre où Boulgakov transporte le lecteur en Palestine auprès de Ponce Pilate au moment de la mort de Jésus.
Boulgakov nous embarque ensuite dans une sarabande fantastique et endiablée sur les traces d’un énorme chat qui prend l’autobus, de femmes nues qui s’envolent, de fantômes, de personnages sombrant dans la folie…
On assiste à un jubilatoire jeu de massacre des institutions. La liberté d’invention du romancier émerveille: philosophie, religion, politique, cirque, théâtre…
Et au cœur du livre, l’histoire du Maître -dont le lecteur découvre qu’il est l’auteur du roman sur Pilate- et de sa bien-aimée Marguerite, bouleversante histoire d’amour.
J’ai découvert “Le Maître et Marguerite” il y a près de 40 ans dans la traduction enfin intégrale de Claude Ligny et n’ai cessé de le conseiller. Et je le redécouvre grâce à la toute nouvelle traduction d’André Marcowicz et Françoise Morvan aux éditions Inculte.
André Markowicz est incontestablement le traducteur le plus important de la littérature russe. Après avoir restitué l’énergie et l’intensité de la langue de Dostoïevski, la beauté de la poésie de Pouchkine, il réalise son rêve de traduire ce qu’il considère comme le sommet de la littérature du XXème siècle. “La traduction du “Maître et Marguerite” était bien l’aboutissement de tout mon travail de traducteur de la littérature russe.” écrit André Markowicz dans sa lumineuse préface.
J’aurai le grand plaisir de présenter Françoise Morvan et André Markowicz, à la demande d’Alain Bélier -à qui j’avais fait découvrir ce chef-d’œuvre- dans le cadre de la 29ème édition de Lettres sur Cour ce vendredi 25 juin à 17h. Le travail des traducteurs qui sont aussi d’indispensables créateurs n’est pas si souvent mis en lumière. Le programme des trois journées de Lettres sur Cour est là: https://www.jazzavienne.com/sites/jazzavienne/files/atoms/files/bat-final-depliant-lsc-2021.pdf
Il est prudent de réserver.
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