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KALÉIDOSCOPES !

Fragments culturels paraissant chaque samedi matin

Kaléidoscope 142: Habiter en oiseau. Vinciane Despret.

L’oiseau

Cinq voyelles, une consonne
En Français composent mon nom
Et je porte sur ma personne
De quoi l’écrire sans crayon.

Ce petit quatrain de Voltaire nous embarque sur la piste de ce lointain descendant des dinosaures. Cette généalogie est vraiment contre intuitive tant les oiseaux de nos campagnes sont évocateurs de légèreté, tant leur chant est harmonieux.

Mésanges, geais, chardonnerets, pinsons, hirondelles, rouges-gorges, troglodytes, tourterelles… La sonorité de ces mots m’enchante (!) et me fait voyager dans le temps : je me souviens des nids d’hirondelles accrochés aux énormes poutres de la ferme de mes grands-parents, je me souviens de l’élégante rapidité du vol des hirondelles qui nous frôlaient parfois au moment où elles s’engouffraient dans l’étable.
Je me souviens des puissants chants nocturnes des rossignols que j’allais enregistrer, adolescent, avec mon magnétophone à bandes de marque Geloso.
Je me souviens qu’un couple de mésanges avait occupé sans vergogne notre boîte aux lettres pour y installer son nid et je me souviens des oisillons, maladroitement perchés sur le rebord de leur squat, hésitant en piaillant, malgré les appels impatients de leurs parents, à prendre leur premier envol.

Avec le printemps, les oiseaux sont revenus égayer nos arbres et nos haies et construire comme chaque année leur nid. En ce moment les mésanges charbonnières s’activent et ont commencé à couver…

Si, comme moi, les oiseaux ne vous laissent pas indifférents, le livre de Vinciane Despret (qui vient d’en écrire un nouveau, toujours chez Actes Sud, intitulé “Autobiographie d’un poulpe”) Habiter en oiseau est pour vous. Il faut parfois “s’accrocher aux branches” pour lire certaines pages – ce qui n’est pas surprenant pour un livre sur les oiseaux! – mais vos efforts seront récompensés.
Comme le titre l’indique, il y est beaucoup question de territoire, au sens propre comme au sens figuré. De même que la toile que tisse l’araignée est une extension de son corps dans l’espace, le chant est une extension du corps de l’oiseau : “Chacun de ces oiseaux est l’expérience d’une portion du monde, il l’incarne : le chant a marqué le territoire, le territoire a marqué le chant.”
L’analyse que fait Vinciane Despret du combat que se livrent les oiseaux est stimulante et va à l’encontre des idées reçues sur leur agressivité : “La finalité n’est jamais d’obtenir la défaite de l’intrus, mais de l’obliger à se retirer d’une certaine position.” Ces combats sont d’ailleurs plus formels que réels et l’oiseau qui voudrait s’emparer d’un territoire déjà occupé l’emporte très rarement.
Vinciane Despret rappelle en conclusion que, s’il est vrai que comme le dit l’éthologiste Marc Bekoff chaque animal est une manière de connaître le monde, la manière d’être au monde des oiseaux nous est particulièrement nécessaire. Il ne faut pas que nos petits-enfants connaissent un “printemps silencieux”.

“Ne pas oublier que ces chants sont en train de disparaître, mais qu’ils disparaîtront d’autant plus si on n’y prête pas attention. Et que disparaîtront avec eux de multiples manières d’habiter la terre, des inventions de vie, des compositions, des partitions mélodiques, des appropriations délicates, des manières d’être et des importances. Tout ce qui fait des territoires et tout ce que font des territoires animés, rythmés, vécus, aimés. Habités. Vivre notre époque en la nommant “Phonocène”, c’est apprendre à prêter attention au silence qu’un chant de merle peut faire exister, c’est vivre dans des territoires chantés, mais c’est également ne pas oublier que le silence pourrait s’imposer. Et que ce que nous risquons bien de perdre également, faute d’attention, ce sera le courage chanté des oiseaux.”

Mon 13ème kaléidoscope parlait du chardonneret élégant et des étonnants “oiseaux indicateurs” et le 103ème à l’albatros, l’occasion de saluer Charles Baudelaire, né il y a tout juste 200 ans. Retrouvez-les rapidement grâce à l’excellent moteur de recherche ci-dessous.

Bernard a apprécié ce kaléidoscope consacré aux oiseaux et nous montre avec ce témoignage qu’ils peuvent jouer dans nos vies un précieux rôle d’intercesseur.

“Ce N° 142 vient a propos pour moi.
En effet je vis en ce moment les allers et venues permanents d’un couple de mésanges noires sur notre terrasse (elles sont plus petites que les charbonnières). Il semble qu’elles aient le projet d’habiter le nichoir que Martine avait installé voilà plus de deux ans dans la gloriette et jusque là resté vide en toutes saisons. Elle aurait été tellement contente de ce voisinage ! Je suis averti de leur présence et de leur activité par leurs cris, leurs chants. Et voilà que ton kaléidoscope prend toute sa pertinence. Il est clair qu’elles entendent avoir ici leur territoire, temporairement au moins, et elles le font savoir quelquefois mélodiquement d’autres fois bruyamment. Il y a quelques jours j’étais à mes mots-croisés dans la véranda quand elles sont arrivées. Dans un premier temps j’ai ressenti qu’elles voulaient être entendues mélodiquement en voletant dans la gloriette. Elles m’avaient repéré. Puis elles sont venues me le confirmer bruyamment juste devant la vitre à un mètre de moi, en virevoltant ! Gênais-je ? Alors je leur ai dit que j’avais à faire et que je m’absentais … temporairement … et je suis rentré dans l’appartement. Mais quand même… , entre nous, je suis chez moi, non ? En fait j’en ai besoin de ces oiseaux. Je les aime, on en avait tellement à Jardin, et là, maintenant, j’en ai besoin parce que leur présence c’est un moment de présence avec Martine. Depuis elles me paraissent plus tolérantes ? J’apprécie leur venue annoncée par leurs chants variés. Hier j’ai longtemps pu observer l’une d’elles affairée à sa toilette chantonnant dans l’eau restant du dernier arrosage dans la coupelle d’un grand pot de groseilliers. Groseilliers qui commencent d’ailleurs à fleurir. Vive le printemps !”


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