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KALÉIDOSCOPES !

Fragments culturels paraissant chaque samedi matin

Kaléidoscope 133: Caméos. Autoportraits cachés.

                     Kaléidoscope 133: Caméos. Autoportraits cachés.

À chaque film d’Hitchcock le spectateur guette le moment où le corpulent Alfred fera une courte apparition mais, soucieux de ne pas distraire son public, dans l’entretien qu’il a accordé à François Truffaut pour son indispensable ouvrage “Le cinéma selon Alfred Hitchcock” il annonce que désormais : ” Pour permettre aux gens de regarder le film tranquillement, je prends soin de me montrer dans les cinq premières minutes du film.”
Dans “Le procès Paradine”, Hitchcock descend du train, un étui à violoncelle sous le bras.
Dans “L’inconnu du Nord-Express” il monte dans le train chargé d’une contrebasse.
Dans “Vertigo” il porte un étui à clairon…
De là à dire que le cher Alfred connaissait la musique, il y a un pas que nous ne franchirons pas. Même si nous ne sommes pas prêts d’oublier les musiques composées par Bernard Hermann pour “Psychose” ( Ah! Ces cordes qui nous glacent le sang dans la scène de la douche!) ou “La mort aux trousses”, entre autres.

Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à nos “caméos” puisque tel est le nom qu’on a donné à ces clins d’œil dont on aurait tort de croire qu’on ne les trouve que dans le septième art.. ou le neuvième, puisque l’univers de la B.D. en a aussi usé : ainsi Hergé s’est dessiné dans “Le sceptre d’ Ottokar” ou “Les cigares du pharaon”. Goscinny et Uderzo sont également présents dans le public d’une première d’un théâtre romain.

Les quelques kaléidoscopeurs qui m'ont suivi jusque-là se demandent bien où je veux en venir!

J’y viens les amis, j’y viens! En réalité ces caméos ne datent pas d’hier et depuis des siècles, sans doute depuis la naissance de l’art, les créateurs ont éprouvé le besoin de se représenter dans leurs œuvres… et c’est le sujet du beau livre de l’historien d’art Pascal Bonafoux intitulé Autoportraits cachés. Il y montre avec brio que ces apparitions sont une forme de signature, de clin d’œil au spectateur et souvent un désir d’éternité.
On remarque que les peintres qui se mettent en scène ont souvent le regard tourné vers nous comme s’ils voulaient nous interpeller: Ghirlandaio, dans trois somptueux tableaux que je vous laisse découvrir dans le livre, nous regarde, main sur la hanche. Les peintres se représentent dans la plupart des cas, discrètement, dans un coin du tableau comme Botticelli dans son “Adoration des mages”. Mais Rembrandt, lui, coiffé d’un anachronique béret bleu, se tient aux pieds du Christ dans le tableau intitulé “L’érection de La Croix”.
Les créateurs ne se présentent pas toujours à leur avantage et c’est ainsi que dans “Le festin d’Hérode” de Lucas Cranach, c’est la tête du peintre qui est posée sur le plateau. Le Caravage a donné ses traits au géant décapité dans son “David avec la tête de Goliath”. Et Michel-Ange est l’écorché vif qui pend dans la main de Saint Barthélemy du fantastique “Jugement dernier” de La Chapelle Sixtine.
Le livre de Pascal Bonafoux ne se limite pas aux peintres de la Renaissance et s’interroge aussi sur les artistes du XXème siècle, sur leur désir, grâce à ces autoportraits cachés d’être pour l’éternité les contemporains de ceux qui les contemplent attentivement. “prendre place dans ces cortèges, ces assemblées, ces groupes, était-ce vouloir entrer dans cet espace singulier où le temps est aboli?(…) Est-ce pour conjurer ces “abîmes d’oubli”, pour n’y être pas abandonnés, que les peintres ont fait le choix de se peindre dans telle et telle scène ?”

Et comme l’écrit Denis Diderot dans ses “Essais sur la peinture” : “Soyez sûr qu’un peintre se montre dans son ouvrage autant et plus qu’un littérateur dans le sien.”


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