Nous aussi, nous aimons la vie.

Nous aussi, nous aimons la vie quand nous en avons les moyens.

Nous dansons entre deux martyrs et pour le lilas entre eux, nous dressons un minaret ou un palmier.

Nous aussi, nous aimons la vie quand nous en avons les moyens.

Au ver à soie, nous dérobons un fil pour édifier un ciel qui nous appartienne et enclore cette migration.

Et nous ouvrons la porte du jardin pour que le jasmin sorte dans les rues comme une belle journée.

Nous aussi, nous aimons la vie quand nous en avons les moyens.

Là où nous élisons demeure, nous cultivons les plantes vivaces et récoltons les morts.

Dans la flûte, nous soufflons la couleur du plus lointain, sur le sable du défilé, nous dessinons les hennissements

Et nous écrivons nos noms, pierre par pierre. Toi l’éclair, éclaircis pour nous la nuit, éclaircis donc un peu.

Nous aussi, nous aimons la vie quand nous en avons les moyens.

   J’avais évoqué , il y a près de cinq ans ( K34 à retrouver sur ce blogue grâce au moteur de recherche placé en bas de cette page) le grand poète palestinien Mahmoud Darwich -l’auteur de ce poème prémonitoire-  que nous avions eu la chance d’entendre déclamer ses poèmes en compagnie de son éditeur en France Farouk Mardam-Bey et d’Elias Sanbar, son traducteur, un mois avant sa mort en juillet 2008. 

   Immensément populaire dans le monde arabe -à chaque récital poétique, des milliers de personnes venaient l’écouter avec ferveur- les Palestiniens lui feront à Ramallah des funérailles nationales. Mais comme le dit Farouk Mardam-Bey: « Avant d’être palestinien et arabe, Mahmoud Darwich était tout simplement poète. Et c’est en affinant son art poétique, et non par des professions de foi patriotiques, qu’il a atteint son principal objectif: faire de la Palestine une métaphore universelle. »

   Ses mots résonnent aujourd’hui avec force et intensité quelques jours après l’attaque terroriste du Hamas contre Israël qui vient nous rappeler à quel point la situation est explosive au Proche Orient comme le montre Yallah Gaza le documentaire que Roland Nurier est venu présenter à Vienne en avant-première ce 28 septembre.

   Aujourd’hui, moins d’une semaine après l’attaque du Hamas qui a causé la mort de plus de 1200 personnes, les bombardements de l’armée Israélienne ont fait déjà plus de 1900 victimes. Elias Sanbar, ancien ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unesco (qui était venu à Vienne fin juin, lire des poèmes de Mahmoud Darwich) redit dans un entretien au journal Le Monde que ce que les Israéliens subissent aujourd’hui, les Palestiniens le subissent quotidiennement depuis 70 ans. Il rappelle que 220 Palestiniens, dont un grand nombre d’adolescents, des civils en majorité aussi, ont été abattus en Cisjordanie, par l’armée israélienne et les colons, entre le 1er janvier et la fin septembre 2023. Ce sont aussi des crimes de guerre qu’Elias Sabar aimerait bien entendre condamner.

   Les Palestiniens aspirent à être un peuple comme les autres et les habitants de Gaza, parqués entre la mer et les postes frontières israéliens verrouillés, sont les premières victimes du Hamas et n’ont aucun autre endroit où aller.

   Comme le rappellent de nombreux chefs d’état il n’y a pas d’autre solution que la reconnaissance réciproque de deux états et il n’y a pas de sécurité possible sans règlement politique.

   On peut rêver que Joe Biden ait le courage de faire entendre raison au gouvernement israélien et à l’autorité palestinienne, tous deux en position de faiblesse.

   L’histoire nous apprend que le pire n’est pas toujours certain:

   Qui aurait cru que Nelson Mandela parviendrait avec le chef d’état conservateur d’Afrique du Sud Frederic de Klerck à mettre fin à 43 ans d’Apartheid?

   Qui aurait parié sur la chute soudaine du mur de Berlin?

   Qui aurait pensé que Yasser Arafat signerait avec le premier ministre israélien Yitzhak Rabin les accords de paix?

Laissons le dernier mot au réalisateur israélien Nadav Lapid: « J’ai montré dans mes films qu’Israël est un pays où l’horizon n’existe pas. Un pays sans avenir. Un État profondément malade, qui a perverti nos âmes et celles de nos voisins. Un coin où l’on assiste à un jeu dynamique macabre, où les bourreaux et les victimes le sont à tour de rôle. Et je pense qu’en regardant cette attaque du Hamas, on voit la concrétisation de cette maladie. On pourrait dire que c’est d’une logique terrifiante. On a rendu Gaza monstrueux, il n’est donc pas étonnant que des monstres aient poussé là-bas. »

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