Les neuf mésangeaux qui piaillaient dans le nichoir -de « la Hulotte», le journal le plus lu dans les terriers et les nids- installé sur le tronc du magnolia de notre jardin se sont envolés en notre absence…

  Nous n’avons pas eu le privilège de les voir s’envoler; et nous nous souvenons qu’un couple de mésanges charbonnières avait utilisé notre boîte aux lettres en bois pour y installer ses œufs… et des oisillons tremblotants sur le rebord et tentant de prendre, après moult hésitations, leur envol, pour rejoindre leurs parents qui les encourageaient de leurs cris sur l’arbre le plus proche.

   À la lecture de l’étude la plus vaste et la plus complète à ce jour sur les oiseaux en Europe, publiée ce lundi dans la revue scientifique PNAS, on peut se demander si nos petits-enfants pourront, dans le futur, assister à de tels spectacles.
  Vincent Devictor, l’un des auteurs de ce rapport, ( LA grande synthèse sur la question pour l’ensemble de l’Europe, le fruit du travail de 50 chercheurs qui ont rassemblé 37 ans de données de 20000 sites de suivi écologique dans 28 pays européens, pour 170 espèces différentes) , n’y va pas par quatre chemins dans l’interview qu’il donne ce mercredi à «Libération» : « Les résultats sont effrayants : 20 millions d’oiseaux disparaissent en moyenne d’une année sur l’autre en Europe, depuis près de 40 ans. Oui c’est vertigineux. Cela représente 800 millions d’oiseaux en moins depuis 1980. Même pour un chercheur, c’est émouvant. Il y a certaines espèces dont je pensais que le déclin allait se ralentir. Hélas, ce n’est pas le cas. Les populations de moineaux domestiques par exemple ont chuté de 64 % ; ils risquent de devenir rares. »

   Jamais aucune étude n’avait montré à ce point la responsabilité des pratiques agricoles, l’augmentation de la quantité d’engrais et de pesticides par hectare. La France, grande puissance agricole est particulièrement touchée: la population d’oiseaux des champs est en chute de 43 % en 40 ans.

  Le monde agricole n’aura pas d’autres choix que de produire autrement : c’est tout simplement une question de vie ou de mort. Comme le dit Vincent Devictor : « il existe un lien très fort entre la présence d’une biodiversité en bonne santé et la rentabilité des cultures dans la parcelle en question. Il y a une forme d’ironie : en tuant la biodiversité, l’agriculture industrielle dopée à l’agrochimie se saborde. »

   Le billet quotidien de Thomas Legrand dans le Libé de ce mercredi 17 mai est intitulé: « L’information politique la plus importante du jour » : il ne parle pas de la politique intérieure française mais de la disparition des oiseaux en Europe : « Au fond, qu’y a-t-il comme information politique plus importante aujourd’hui que celle-là ? La disparition en masse des oiseaux du continent est le signe d’un profond déséquilibre de la biodiversité en Europe, et sans doute partout dans le monde. » Et le journaliste de se demander: « Pourquoi le Président ne va-t-il pas, après avoir lu cette info, au 20 heures sur toutes les chaînes de télé pour déclarer : « Nous sommes en guerre, il faut sauver la biodiversité. »

   Mon kaléidoscope a très souvent parlé des oiseaux ( voir K202 intitulé «Merveilleux oiseaux») et vous a invité à lire le beau livre de Vinciane Despret «Habiter en oiseau» (K142  à découvrir grâce au moteur de recherche en pied de ce kaléidoscope).
   Il nous reste peu de temps pour faire mentir la prophétie du livre « Le  printemps silencieux » que Rachel Carson a écrit il y a plus de 60 ans.   Il nous reste peu de temps pour que nous puissions encore entendre piailler le moineau, babiller la grive, triduler l’hirondelle, frigoter le geai, pisoter l’ étourneau, turluter l’alouette ou le pipit farlouse, crouler la bécasse, zinzinuler la mésange ou rossignoler …le rossignol.

Comme le dit Vinciane Despret, la manière d’être au monde des oiseaux nous est particulièrement nécessaire: « Ne pas oublier que ces chants sont en train de disparaître, mais qu’ils disparaîtront d’autant plus si on n’y prête pas attention. Et que disparaîtront avec eux de multiples manières d’habiter la terre, des inventions de vie, des compositions, des partitions mélodiques, des appropriations délicates, des manières d’être et des importances. Tout ce qui fait des territoires et tout ce que font des territoires animés, rythmés, vécus, aimés. Habités. »

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One thought on “Kaléidoscope 230: En chemin vers un printemps silencieux?

  1. Bonjour Michel,
    Je te remercie d’avoir réagi sur cette actualité . Les politiques devraient s’appuyer sur cette étude (entre autres) pour conduire, expliquer ce changement “d’ Agri-culture” qui ne peut plus être repoussé sans cesse aux calendes Grecques ! Le gouvernement pourrait envoyer à chaque foyer gratuitement un exemplaire de Printemps silencieux. Ce serait un bon début 🙂

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