Le beau film de Li Ruijun peut se résumer en quelques mots : Dans une Chine rurale  et pauvre, un paysan exploité et une femme handicapée, mariés de force, vont vivre une bouleversante histoire d’amour.

   Le réalisateur nous fait découvrir la province du Gansu où il a grandi et où il a tourné, avec peu de moyens, la plupart de ses films, une dizaine réalisés en une quinzaine d’années.

   « Le retour des hirondelles » est le premier que nous avons la chance de découvrir.

En février 2022 le film est sélectionné à la Berlinade dans une version revue par la censure chinoise qui modifie la fin pour conclure sur une note optimiste. En juillet 2022 le film connaît en Chine un immense succès. Il sera pourtant retiré des salles au mois de septembre. Sur les plateformes le film est aussi un succès mais il est, cette fois-ci, totalement interdit et le réalisateur assigné à résidence: il ne faut pas que la misère dans les campagnes -prétendument éradiquée par les autorités chinoises- soit montrée.

   « Je voulais conserver une trace de ces existences rurales et simples, rendre hommage à cette terre qui a nourri mon âme et reste ma principale source d’inspiration » déclare le réalisateur, qui nous fait découvrir un mode de vie en voie de destruction sous les coups de boutoir d’une inhumaine urbanisation.

   Ce film contemplatif est attentif aux gestes simples de ce couple en harmonie, à leurs attentions réciproques. J’aime beaucoup cette séquence où Ma appuie délicatement, avec douceur, sur la main de sa femme des grains de blé qui formeront, en creux, sur sa peau, une fleur.

   Le spectateur est touché par cette émouvante histoire d’amour entre deux personnes simples, rejetées par leur famille et qui vont vivre, dans cette campagne aride, au fil des saisons, hors du temps, ces vies minuscules. On a parfois l’impression, dans ces plans réalisés à la tombée du jour, de regarder ces tableaux de Millet qui célèbrent la simplicité d’une vie rurale qui n’avait pas changé depuis des siècles dans des pays aussi différents que la France et la Chine. 

   Regardez par exemple la séquence des moissons, magnifiquement filmée , l’âne du couple -personnage capital- tirant lentement une charrette croulant sous les gerbes de blé sur laquelle est juchée la rayonnante Cao Guiying.

   Le rôle du vieux garçon exploité par son frère est tenu par l’oncle du réalisateur, paysan dans la vie, et qui a construit lui-même la ferme du film et a fait pousser les cultures jusqu’à la moisson.

  Le film s’appelle « Le retour des hirondelles », titre à priori optimiste alors qu’il décrit la disparition d’un monde et d’un mode de vie.

   Le titre original « Caché dans le pays des cendres et de la fumée », certes moins vendeur et plus énigmatique est explicité ainsi par son réalisateur: « Cela signifie que les époques passées, les vies passées, ne sont pas disparues. Elles sont simplement enfouies dans les cendres. Ce que nous ne voyons plus ne cesse pas pour autant d’exister. »

   Allez voir ce film hors du temps et pourtant annonciateur d’un monde manquant d’humanité. Il passe encore dans quelques cinémas (à Lyon dans une seule salle!) et dans quelques villes… comme Vienne  où il est projeté, grâce à Cineclap, au cinéma l’Amphi jusqu’au mardi 14 mars.

   La simplicité de ce film en fait toute la valeur, et j’espère que vous n’hésiterez pas à faire part de vos réactions pour enrichir cette chronique que vous pouvez retrouver sur ce blogue.

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