Kaléidoscope 118: François Héran. Idées reçues sur les migrants.

Ce n’est pas l’annonce de l’assassinat de Samuel Paty par un étranger radicalisé en France qui va améliorer le sort des migrants dans notre pays.
À chaque attentat, éclatent les cris d’orfraie, crépitent d’appels à la vengeance les réseaux, improprement appelés sociaux, surenchérit la surenchère dans une indécente et mortifère sarabande. Les migrants sont perçus comme une menace, forcément grandissante. ” Y’a qu’à fermer les frontières, y’a qu’à les renvoyer dans leur pays à la moindre peccadille…”
La pandémie ( venue de Chine! ) a ignoré les frontières et n’a pas arrangé la situation.

Avec l’immigration. Mesurer, débattre, agir” le dernier livre du sociologue et démographe François Héran arrive à point nommé pour tordre le cou à quelques clichés et à faire triompher la pédagogie sur la démagogie ( rime très riche! ).
“Sans les immigrés et leurs enfants, qui représentent près d’un quart (23%) de notre population, les hôpitaux, l’alimentation, la confection, le transport ou la police de notre pays ne tiendraient pas longtemps. D’autre part, ce n’est pas parce qu’ils ne respectent pas les mesures sanitaires que les immigrés ont été très touchés par le covid-19, comme on l’a entendu. Mais parce qu’ils y sont surexposés, en raison de leurs conditions sociales : logements surpeuplés, télétravail impossible…” argumente François Héran dans le bel entretien qu’il a accordé à Télérama cette semaine.
Les chiffres que donne François Héran ne peuvent être contestés : chaque année ( en temps normal) , 85 à 90 millions de personnes passent nos frontières, une bonne moitié sont des touristes. Seuls 300 à 400 000 sont de nature migratoire.
Certes le nombre de réfugiés augmente: 23 000 en 2005, 36 500 en 2019. “En cinq années–2015 à 2019-, l’Union européenne a enregistré 4,4 millions de demandes d’asile, dont 38 % déposées en Allemagne et seulement 11 % en France. Nous accueillons, proportionnellement à notre population, deux fois moins de réfugiés que les Belges ou les Néerlandais.” La France pointe au 12ème rang des pays de l’Union européenne en nombre de demandes d’asile acceptées. Nous sommes loin de l’invasion dénoncée par une partie de la droite et de l’extrême-droite.
Parmi la foultitude d’idées reçues: les étrangers viendraient essentiellement en France pour se faire soigner grâce à l’aide médicale d’état. Que nenni ! La majorité ignore l’existence du dispositif .
“Les étrangers viendraient des pays les plus pauvres ?” Là encore on a tout faux: les populations les plus pauvres, celles de l’Afrique noire, n’ont tout simplement pas les moyens de migrer.
François Héran rappelle aussi qu’en France 3000 personnes travaillent à l’accueil des demandeurs d’asile, ils sont deux fois plus nombreux en Allemagne.
Pour aller plus loin dans la réflexion, outre l’entretien de Télérama et le livre qui vient de paraître , une émission de France Culture avec François Héran intitulée Migrations, en parler autrement.

https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-idees/migrations-en-parler-autrement

“France, terre d’écueils” semble aujourd’hui une expression plus juste que “France, terre d’accueil” comme le montre aussi MarieCaroline Saglio-Yatzimirsky que nous avions accueillie à Vienne en juin 2018 ( voir kaléidoscope 5) . Son livre ” La voix de ceux qui crient ( rencontre avec des demandeurs d’asile)” est malheureusement toujours d’actualité et nous interpelle en tant que citoyens : ” Je ne suis pas spécialement militante, mais j’insiste sur l’urgence de repenser notre politique d’accueil. Des choses essentielles se jouent sans qu’on en voie la dimension historique et culturelle. Ces exilés, venus au prix de sacrifices inimaginables, ne partiront pas. L’immigration ne cessera pas. Sommes-nous incapables d’embrasser l’intérêt de la société multiculturelle qu’elle nous offre, sa richesse inédite pour notre pays ? Nous sommes face à des questions déjà vécues jadis dans nos propres guerres. Que veut-on entendre de la douleur ? Qui veut-on accueillir ? Et que verront nos enfants des choix que nous faisons, comme individus et comme nation? La résilience et l’avenir commun se construisent aujourd’hui.”

Merci à Éric et aux lecteurs attentifs de mon dernier kaléidoscope qui ont repéré les fautes. Sur mon blog- où vous pouvez laisser des commentaires- elles ont été corrigées.

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