“Covid: Castex reprogramme la bamboche“- titrait ce vendredi le journal “Libération“. Bamboche ne date pas d’hier. Le terme apparaît en 1680, écrit le “Robert culturel”, il semble rimer avec débauche et, en poussant le bouchon un peu loin, avec bidoche. En gros faire bamboche c’est faire la bringue, la bombe, la nouba ou la bamboula. Bamboula? Le mot désigne d’abord un tambour africain puis une danse exécutée au son de cet instrument. Par extension, au XIXe siècle, dans le contexte colonial, avec un accent clairement raciste, bamboula désigne une danse primitive.
“En 1994, j’avais 14 ans. Au collège des potes me disaient: “frérot, y’a pas tes tontons enfermés dans un zoo, le truc bamboula à Nantes ?”, c’est par ces mots prononcés par le cinéaste Jean-Pascal Zadi ( César du meilleur espoir pour “Tout simplement noir”) que commence “Le Village de Bamboula”, le documentaire de Yoann de Montgrand et François Tchernia programmé sur France 2 ce mardi 18 janvier (disponible en replay).
Le film raconte l’histoire de ce parc animalier près de Nantes, créé il y a moins de 30 ans et qui proposait aux visiteurs ce qu’on peut considérer comme un véritable zoo humain. 25 ivoiriens s’y donnaient en spectacle. C’est ainsi que de jeunes femmes aux seins nus y dansaient (six spectacles dans la même journée!) au son des tam-tams devant un public familial qui avait circulé auparavant en voiture -comme à Peaugres- au milieu des girafes, des lions et des singes.
Tous les “acteurs” devaient, par contrat, s’exhiber torse nu. “Le Village de Bamboula” était sponsorisé par la marque de biscuits au chocolat “Bamboula” commercialisée par les bien connues galettes “St Michel”.
Le directeur du parc, interviewé par la télévision régionale, ne voit pas où est le problème que des êtres humains soient exhibés dans le même espace que des animaux. Pour “éviter qu’ils les perdent” il leur a même confisqué tous leurs papiers soigneusement bouclés dans un coffre-fort! Payés un quart du SMIC, ces êtres humains ne bénéficient d’aucune protection sociale. Hébergés dans des conditions indignes, ils sont soignés par les vétérinaires du parc animalier.
Rapidement un collectif regroupant associations humanitaires et syndicats se met en place pour, dans un premier temps améliorer le sort des ivoiriens et ce n’est qu’en 1997 que le safari parc est condamné pour atteinte à la dignité humaine.
“C’est comme si la peau noire n’avait pas de droits” commente aujourd’hui Edith Lage, à l’époque mineure et la plus jeune danseuse du groupe.
Nourri d’archives de l’époque, porté par la voix de Jean-Pascal Zadi, le documentaire permet de comprendre comment, plus de 60 ans après l’exposition coloniale de Paris qui exhibait les Kanaks de Nouvelle-Calédonie, l’histoire se répète dans la région de Nantes qui doit une grande partie de sa richesse au commerce des esclaves. Vous pouvez retrouver en tapant “esclavage” sur l’excellent moteur de recherche mon tout premier kaléidoscope, il y a près de quatre ans, consacré à l’esclavage.
Ci-dessous le lien avec l’annonce de France Inter qui a attiré mon attention sur le film:”Le village de Bamboula” : le dernier zoo humain en France” sur https://www.franceinter.fr/emissions/capture-d-ecrans/capture-d-ecrans-du-mardi-18-janvier-2022
Au cours de la même soirée un autre documentaire “Noirs en France”, avec la voix d’Alain Mabanckou apporte des témoignages de noirs en France, connus ou inconnus. Il est ponctué d’archives dérangeantes comme ce micro-trottoir des années 60 montrant la réprobation de français très moyens devant le spectacle d’un couple mixte ou de ces petites filles noires choisissant systématiquement la poupée blanche et trouvant la noire vilaine. On y retrouve Jean-Pascal Zadi qui raconte “le jour où il est devenu noir aux yeux de ses camarades de classe”. Le film refuse l’approche victimaire, insiste sur la fierté d’être noir et la nécessité à l’école d’une éducation qui déconstruit les préjugés et montre que le métissage est une richesse.
Post-scriptum qui n’a rien à voir ( quoique !?) -comme on disait au temps jadis- :“Kärcher” s’est fendu d’une pleine page de publicité dans “Le Monde” pour dénoncer l’utilisation politique de son nom et rappelle qu’elle “se bat, depuis des années, pour que sa marque ne soit pas exploitée sur la scène politique française”. La firme allemande rappelle qu’elle “défend des valeurs citoyennes fortes, qu’elle maintient son engagement en matière de développement durable et de responsabilité sociale.” À quand un procès à cette candidate à la présidentielle (jamais nommée dans cette excellente pub) qui, reprenant la rhétorique chère à Sarkozy et à l’extrême-droite, a annoncé qu’elle ressortirait le “Kärcher” de la cave si elle était élue ?
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