La révolution passera par le vélo
camarade
ah la bicyclette
Elle te permet d’aller cinq fois plus vite que le piéton
tu dépenses cinq fois moins d’énergie 
et tu vas cinq fois plus loin

en vérité je te le dis camarade 

la révolution passera par le vélo.

Dans la quinzaine du beau langage, ne disez pas “disez”, disez “dites”!

À force de péter trop haut, le cul prend la place du cerveau.

   Si ces citations ne vous disent rien, vous pouvez arrêter de lire ce kaléidoscope et “reprendre une activité normale” !
   Mais j’en vois quelques-uns qui ont poursuivi la lecture, ayant deviné que ces aphorismes et autres assertions frappées (pas trop fort!) au coin du bon sens, avaient jailli de la plume tendre et rêveuse de Julos Beaucarne qui a enfourché son vélo volant pour un ultime envol.

   On ne peut pas dire que son départ ait fait la Une (ni la deux, ni la trois…) des gazettes! Ce qui ne lui aurait probablement pas déplu, lui qui a toujours voulu tracer un sillon en marge du labour dominant.

   Julos Beaucarne, né à Écaussinnes en Belgique il y a 85 ans, comédien, conteur, sculpteur, écrivain… est avant tout poète, un fou de paroles, un amoureux de la vie, des mots et des êtres humains et ne s’est jamais contenté d’une identité univoque. C’est grâce à ses chansons qu’il s’est fait connaître: il en a écrit des centaines et a gravé plus de quarante albums. Dès les premiers, le ton est donné: Julos chante, joue de la guitare, récite des poèmes, des monologues humoristiques, déjantés, met en musique aussi bien Péguy que Shakespeare, Obaldia, Baudelaire, Hugo (voir K77 et sa primesautière “Vieille chanson du jeune temps”), Nazim Hikmet, Charles Cros… Accompagné par d’excellents musiciens, ce vif-argent ne cesse de nous surprendre, de nous embarquer dans ses utopies. 

   Écologiste avant la lettre, c’est lui qui invente, il y a près de 50 ans, le F.L.A.F. ( le front de libération des arbres fruitiers) et qui donnerait volontiers le droit de vote aux océans et aux mirabelliers. C’est lui qui écrit :

                      La plante humaine qui est la seule 

                      À pouvoir s’arroser toute seule 

                      A troqué pour des arrosoirs 

                      Les noirs fusils du désespoir…

   Interrogé en 2014 sur son engagement politique il répond:” Anarchiste, ça me va parfaitement. Anarchiste, je le suis jusque dans la moelle de mes os! Anarchiste, selon moi ça veut dire proposer des pistes que les autres n’ont pas encore explorées et enfoncer des portes qui n’ont pas encore été ouvertes. C’est ce que je fais depuis 50 ans déjà.”

   Lorsque le 2 février 1975 Louise Hélène, appelée Loulou, l’épouse bien-aimée et la mère de ses deux enfants fut assassinée par un déséquilibré à qui le couple avait offert l’hospitalité, Julos écrit cette poignante lettre ouverte ( que Claude Nougaro mettra en musique), un appel à “reboiser l’âme humaine”.

  “Sans vous commander, je vous demande d’aimer plus que jamais ceux qui vous sont proches ; le monde est une triste boutique, les cœurs purs doivent se mettre ensemble pour l’embellir, il faut reboiser l’âme humaine. Je resterai sur le pont, je resterai un jardinier, je cultiverai mes plantes de langage. À travers mes dires vous retrouverez ma bien-aimée ; il n’est de vrai que l’amitié et l’amour. Je suis maintenant au fond du panier de tristesses. On doit manger chacun, dit-on, un sac de charbon pour aller en paradis ? Ah, comme j’aimerais qu’il y ait un paradis, comme ce serait doux les retrouvailles. En attendant, à vous autres, mes amis de l’ici-bas, je prends la liberté, moi qui ne suis qu’un histrion, qu’un batteur de planches, qu’un comédien qui fait du rêve avec du vent, je prends la liberté de vous écrire pour vous dire ce à quoi je pense aujourd’hui ; je pense de toutes mes forces qu’il faut s’aimer à tort et à travers.”

   Nul doute que cet amoureux de la nature, ce partisan d’une écologie vélorutionnaire qu’était Julos Beaucarne aurait aimé participer à ces rencontres du mois des possibles proposées à Vienne par la Librairie Lucioles et l’UPOP.

Octobre 2021, le Mois du Possible !

La manifestation ‘Agir pour le vivant’, dont Lucioles est partenaire, a mobilisé cet été en Arles des dizaines d’intervenants et des centaines d’auditeurs. 
Cette manifestation a permis l’exploration de questions qui nous concernent toutes et tous : 

Comment être vivant parmi les vivants ? 
Comment penser le vivant, le comprendre pour agir ?
Comment construire un monde commun ?
Comment réécrire un récit rassembleur, enchanteur 
qui parlerait à l’humanité et qui ferait sens ?

En résonance à cette magnifique édition de “Agir pour le vivant”- et pour célébrer les dix ans de la collection “Domaine du possible” chez Actes Sud – la librairie Lucioles et l’Upop ont programmé sur le mois d’octobre, une série de rencontres riches et éclectiques en compagnie de scientifique, biologiste, philosophe, écrivain tels que Stéphanie BRILLANT, Marc-André SELOSSE, Michael CHRISTIE, Jean-Philippe PIERRON, Cyril DION, Ernst ZÜRCHER, Claire SEJOURNET…

Le mois d’octobre devient “le mois du possible” : interrogeons-nous avec eux !

Merci à Anne qui m’envoie cette photo de Julos et deux articles du “Monde”.

Le chanteur belge Julos Beaucarne est mort

L’artiste était l’auteur de plus de 500 chansons, de 49 albums et de 28 livres. Il avait 85 ans.

Il était à la fois poète, écrivain, auteur-compositeur, et même sculpteur. L’artiste belge Julos Beaucarne est mort, samedi 18 septembre, à l’âge de 85 ans, a annoncé la commune wallonne de Beauvechain, où il résidait. « La Wallonie perd (…) l’un de ses plus grands artistes », a salué la commune dans son message publié sur Facebook.

Comédien à ses débuts, il avait commencé dans la chanson en 1961, dans des petits villages de Provence. Il était, depuis, devenu l’auteur de plus de 500 chansons, de 49 albums et de 28 livres. « Ce n’était pas difficile du tout d’écrire. C’était le bonheur de trouver un gisement, en soi. C’est comme si j’allais creuser une mine, ma propre mine. Tout m’inspire, l’écriture, c’est ma vie », déclarait-il, selon la RTBF. Véritable ambassadeur de la culture wallonne, il avait enregistré en 1981 La P’tite Gayole et adapté plusieurs chansons du folklore wallon.

La vie de Julos Beaucarne a notamment été marquée par la mort de sa femme, tuée en 1975 par un déséquilibré. « C’est la société qui est malade. Il nous faut la remettre d’aplomb et d’équerre, par l’amour, et l’amitié, et la persuasion. (…) Le monde est une triste boutique, les cœurs purs doivent se mettre ensemble pour l’embellir, il faut reboiser l’âme humaine. Je resterai sur le pont, je resterai un jardinier, je cultiverai mes plantes de langage », écrivait-il dans sa lettre ouverte, rédigée la nuit du drame.

Outre son profond humanisme, ses textes traduisaient aussi son souci de l’écologie. Son album Front de libération des arbres fruitiers,sorti en 1974 et devenu disque d’or, témoignait par exemple de son opposition à des mesures européennes qu’il estimait néfastes pour l’environnement.

« Un autre regard sur les êtres et le monde »

« Julos Beaucarne était indiscutablement le chansonnier wallon le plus inspirant », a réagi sur Twitter Elio Di Rupo, ministre-président de la Wallonie. La ministre wallonne Christie Morreale a également rendu hommage sa « manière d’enfiler les mots », tandis que le commissaire européen et ancien vice-premier ministre belge Didier Reynders a salué « une voix, une poésie, un autre regard sur les êtres et le monde ».

« C’est un grand artiste qui nous a quittés. A 75 ans, il faisait ses toutes premières Francofolies en 2011 à guichets fermés », a également réagi le festival de musique sur Twitter, rappelant une « injonction précieuse » de l’artiste : « Il faut s’aimer à tort et à travers. »

Mort du chanteur Julos Beaucarne, un Wallon du monde

L’auteur de « La Petite Gayole » dénonçait dans ses textes les injustices, les dogmes et le non-respect de la nature.

Par Jean-Pierre Stroobants.

Tous les Wallons connaissaient son sourire, sa crinière blanche et son éternel pull de laine aux couleurs de l’arc-en-ciel. Et presque aucun Flamand n’a entendu parler de Julos Beaucarne, même s’il aimait aussi, et chantait, cette autre partie de la Belgique. Le royaume est ainsi fait que la renommée d’un artiste très populaire dans une région peut ne jamais franchir la frontière de l’autre.

S’il est donc resté ignoré de la majorité des Belges, Julos (né Jules) Beaucarne aura, en revanche, porté aux quatre coins de la planète un message souvent tendre, parfois inquiet et a accumulé des dizaines d’albums au fil de ses cinquante années de carrière. Les pieds dans son terroir, le cœur porté vers la francophonie, la tête dans les étoiles, il se voulait un Wallon du monde. Il chantait en français et dans son dialecte, il voyageait du Québec au Mexique, de l’Afrique à l’Inde et se ressourçait en Provence, où il démarra sa carrière, faisant la quête à l’issue de ses récitals sur les places de village. Plus tard, sur ses terres, cet adepte de la « vélorution » n’hésitait pas à faire pédaler les spectateurs afin d’éclairer ses salles de concert.

Pour ses concitoyens de tout âge, cet admirateur d’Apollinaire et Verlaine, mais aussi du poète symboliste belge Max Elskamp ou du chanteur québécois Gilles Vigneault, restera à tout jamais comme l’auteur de La Petite Gayole, un texte ironique et gentiment érotique qu’il s’amusait à voir repris dans un pays étranger par un public ne comprenant pas un traître mot d’un texte évoquant une « petite cage » où une belle lui promettait d’abriter « son canari »

Autodérision et bonhomie

Du rire aux larmes : en février 1975, un événement d’une rare brutalité vint briser la ligne paisible de son existence. Un jeune déséquilibré qu’il avait abrité poignardait son épouse, Loulou, le laissant seul avec ses deux jeunes fils. « C’est la société qui est malade, il nous faut la remettre d’aplomb et d’équerre, par l’amour, l’amitié et la persuasion », écrivait-il au meurtrier. Selon ses amis, il n’a jamais vraiment surmonté son chagrin mais n’en a, pour autant, jamais refermé la porte de sa maison de Tourinnes-la-Grosse, dans le Brabant wallon.

Julos Beaucarne était aussi un héritier du puissant courant surréaliste belge et usait à merveille de l’autodérision, ce « dogme national, revendiqué avec une espèce d’exultation », selon la formule du linguiste Jean-Marie Klinkenberg. Wallon jusqu’au bout des doigts, il incarnait aussi la bonhomie qui caractérise ses compatriotes mais savait aussi mener des combats avec beaucoup de conviction. Il dénonçait l’injustice, le racisme (« Dès l’instant où nous sortons du ventre de notre mère, nous sommes tous des émigrés »),le sort réservé aux femmes et les atteintes portées à la nature. Avant que l’écologie ne devienne un mouvement politique, il guerroyait déjà contre la multinationale Monsanto et fondait le Front de libération des arbres fruitiers, prélude à une Revue européenne de conscience planétaire annuelle, trimestrielle et spasmodique qu’il anima jusqu’en 2015.

Ce gentil rebelle revendiquait sa « belgitude » et le chef de l’Etat, le roi Albert II à l’époque, allait l’anoblir, le faisant chevalier en 2002

Comédien, compositeur, poète, sculpteur, ambassadeur patenté d’une culture wallonne pour laquelle il signa un célèbre manifeste, il s’amusa sans doute de lire, un jour, sous la plume d’un auteur français, que ses chansons « fleurent bon l’océan breton et la campagne normande ». Car ce gentil rebelle revendiquait aussi sa « belgitude » et le chef de l’Etat, le roi Albert II à l’époque, allait d’ailleurs l’anoblir, le faisant chevalier en 2002. Il fut aussi honoré d’être invité à chanter lors des funérailles du roi Baudouin, le frère d’Albert II, en 1993.

Julos Beaucarne, adversaire des dogmes et des religions, qui disait refuser de se laisser embrigader « par un dieu quel qu’il soit, au nom duquel on a écrasé et écrase encore tellement de peuples »,participait à cet événement frappé du sceau d’un fervent catholicisme. Parce qu’en Belgique, comme le relève M. Klinkenberg, « le roi est une idée, et cette idée rejoint (…) celle du consensus, dont on sait qu’elle vertèbre la vie sociale belge ». Le chanteur aurait aimé que ce consensus-là puisse s’étendre au-delà des frontières étroites de sa Wallonie et de son pays.

Julos Beaucarne en quelques dates

27 juin 1936 Naissance à Ecaussinnes

1961 Débuts comme comédien au Rideau de Bruxelles

1964 Sort son premier disque

2002 Nommé chevalier par le roi Albert II

18 septembre 2021 Mort à Beauvechain (Belgique)

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