Il est toujours aussi agréable de déambuler dans les rues et sur les places de Manosque pacifiquement envahies par des personnes curieuses de découvrir l’univers de Catherine Poulain, Alain Mabanckou…ou de créateurs moins connus à l’occasion des CORRESPONDANCES qui fêtent cette année leur 20ème anniversaire.
Jean Giono a toujours vécu à Manosque où sa présence est palpable. Sa maison est située un peu à l’écart du centre, montée des Vraies Richesses. Il y a vécu jusqu’à sa mort en 1970. Sa fille Sylvie habite toujours à “Lou Paraïs”. Dans le beau jardin arboré d’abricotiers, de plaqueminiers, de palmiers …nous avons eu le privilège d’entendre des passages de sa correspondance avec Henri Pollès ( Le rat de votre bibliothèque comme il se nomme lui-même dans une lettre à Giono !) . “Ma curiosité est sans cesse en éveil ” écrit l’auteur d’ “Un roi sans divertissement ” et on le croit sur parole à l’évocation de ses demandes de livres sur des domaines aussi variés : livres sur la Renaissance italienne, en particulier sur Machiavel dont il veut toute l’œuvre, livres sur le Mexique précolombien, sur le Tibet, les miniatures persanes et surtout sur la Chine qu’il semble si bien connaître : “J’étudie le Chinois depuis plus de 45 ans!”.
À Michel Gallimard, son éditeur, il demande les livres de Kafka, Faulkner, Steinbeck, Melville ( n’oublions pas que Giono a traduit Moby Dick ) , Michaux… sans dédaigner les “Série Noire” qu’il dévore avec délices.
“La lecture était mon sucre candi ! ” écrit-il à Henri Pollès, impressionné par la boulimie de son illustre correspondant qui lui répond :”Il faut trembler d’enrichir si belle bibliothèque.” En effet! 8500 livres, ce n’est pas rien!
Dans un bulletin de l’association des amis de Giono, je découvre un bel article intitulé L’arbre dans l’œuvre de Giono. Je pense qu’il aurait aimé que les arbres, au moment où ils sont menacés, soient aujourd’hui autant à l’honneur, en particulier grâce à Peter Wohlleben dont “La vie secrète des arbres” est un succès planétaire. Même s’il pousse parfois un peu loin le bouchon ( de chêne-liège bien sûr !) dans l’anthropomorphisme , le succès de ce livre est salutaire. Giono n’aurait pas été surpris d’apprendre que les arbres communiquent par voie des airs et surtout par leur réseau de racines , lui qui écrivait dans Le déserteur et autres récits : “Les plantes, on a fini par convenir qu’il y avait là de la vie , même un liquide semblable à du sang. On n’en est pas encore à parler de sensibilité mais … ça viendra.”
On n’en finirait pas de citer tous les passages consacrés aux arbres dans toute l’œuvre de l’auteur de “L’homme qui plantait des arbres” qui disait à propos de ce livre :” C’est un des textes dont je suis le plus fier”.
Allez! Un petit florilège :
” Ces arbres me parlent avec une voix qui me nourrit comme du lait.”
“J’avais des gestes aimables pour les arbres; je ne cassais pas de branches.”
” À ce moment de l’année, ils avaient une odeur de miel et chantaient comme des ruches”
Et puis il faudrait citer des pages entières d'”Un roi sans divertissement” . Mais j’avais promis d’être moins long que la dernière fois !
“C’est là que l’automne commence.
C’est instantané. Est-ce qu’il y a eu une sorte de mot d’ordre donné, hier soir, pendant que vous tourniez le dos au ciel pour faire votre soupe? Ce matin, comme vous ouvrez l’œil, vous voyez mon frêne qui s’est planté une aigrette de plumes de perroquet jaune d’or sur le crâne. Le temps de vous occuper du café (…) il ne s’agit déjà plus d’aigrette, mais de tout un casque fait des plumes les plus rares: des roses, des grises, des rouille.”
J’arrête à regret…mais Giono continue…et deux pages plus loin ( page 38 en folio) la description du hêtre de la scierie en fait un personnage central du livre.

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