On connaît assez mal en France la littérature du Québec et je suis reconnaissant aux libraires du groupement “Initiales” d’avoir braqué leur projecteur sur la production éditoriale de la “belle province”.

   Cap sur le Québec se présente comme un beau dossier de 54 pages -très justement sous-titré Par les chemins de traverse- qui vous sera offert dans 54 librairies indépendantes de France et de Belgique, 54 lieux de vie, d’échanges, de rencontres, de convivialité. Des commerces essentiels où s’épanouit la bibliodiversité. Profitez de vos vacances pour les découvrir. La carte des librairies est sur le site du groupement à cette adresse: https://www.initiales.org/le_reseau_initiales/

   Avec ces 40 conseils de lecture, comme l’écrit en préambule Julie Remy (librairie La Cour des grands à Metz) présidente d’Initiales “il semble que nous touchons là une des latitudes les plus vivifiantes, aujourd’hui, en matière d’écriture et d’édition en langue française. Ce sont des voix singulières, inventives, talentueuses et engagées qui vont vous parler.” Laissez vous embarquer sur les pas d’auteurs inconnus, découvrez de nouveaux univers, des éditeurs inventifs aux noms qui claquent comme des étendards: La Peuplade, Mémoire d’encrier, Le mot et le reste, le Quartanier, Héliotrope, Marchand de feuilles, Les éditions du remue-ménage, Les 400 coups…

   Suivez les conseils d’Alain Bélier de la librairie Lucioles qui a été happé par le livre d’Olga Duhamel-Noyer aux éditions Héliotrope: “Mykonos est un roman court, terriblement sensuel, d’une grande intensité et d’une grande férocité. La tension est palpable d’entrée, le drame va surgir, reste à savoir d’où et comment. L’écriture est très cinématographique et l’autrice adopte une narration distanciée qui donne encore plus de force au récit…” 

   Comme lui, j’ai beaucoup aimé les livres de la poétesse innue Joséphine Bacon et ceux de Rodney Saint-Éloi, tous deux découverts à Lettres sur Cour à Vienne.

   Découvrez La femme qui fuit, le livre bouleversant d’Anaïs Barbeau-Lavalette publié au Marchand de feuilles en 2015 -“Dilater les cœurs” tel est le slogan de cet éditeur découvreur- et au Livre de poche en 2017. Vous n’oublierez pas de sitôt le destin hors normes de Suzanne Meloche, cette femme qui fuit. Dans les années 50, le Québec étouffe sous le règne d’une église catholique rigoriste et cette artiste libre, la grand-mère de l’écrivaine, décide d’abandonner ses enfants pour assouvir son besoin de création. Un récit haletant et éblouissant.

   Dans un tout autre registre le livre d’Antoine Desjardins “Indice des feux”, -sept fictions qui interrogent notre monde en détresse- est un livre nécessaire. Cécile, émérite libraire volante, lui a consacré un très bel article. Le voici dans son intégralité:

   “Sur le réchauffement de la planète, sur l’impasse écologico-économique qui dévaste la nature, décime les animaux ou paupérise les individus lobotomisés que nous sommes devenus, on a lu des tas de choses, beaucoup, peut-être trop ou trop mal ; parce qu’on avance finalement peu.

Mais un livre comme le recueil de nouvelles d’Antoine Desjardins, “Indice des feux”, paru à La Peuplade, on n’en avait jamais lu. Un livre qui parle de nous, qui part de nous. Un livre qui nous raconte des histoires simples, banales, celles de nos contemporains qui font face comme ils peuvent, humainement, à la vague qui s’annonce. Ici pas de pathos, pas de catastrophisme, pas de jugement ; juste du vécu, du vécu à petite échelle. Une sorte de rhétorique du minuscule, du micro déplacement qui nous fait percevoir rapidement que rien, dans nos vies, n’est déjà plus et ne sera plus jamais comme avant. Avec sept nouvelles très fortes (la première « À boire debout » est absolument magistrale), d’un humour noir insolent, un peu comme une re-création du futur monde en sept jours version « new balls », ce recueil nous bouleverse et nous transforme, nous permet d’accueillir ce qui est désormais inévitable .Grâce à la force, la poésie et la musicalité de la langue québécoise on se prend à rêver qu’avec ce livre, avec LA littérature, enfin, on pourra faire sauter le verrou de la prise de conscience et permettre à chacun de toucher un certain nombre de petites vérités désormais essentielles : que mourir du cancer sera bientôt « pas pire que ce qui s’en vient », que le doute sur la possibilité de l’enfantement grandit irrépressiblement sous les crânes,  que certains animaux s’entrainent peut-être déjà à affronter l’impensable, et que néanmoins il est urgentissime de maintenir l’espoir, de continuer à regarder le soleil se coucher sur les branches des ormes, et surtout, surtout, de « prendre soin de tout, en particulier de ce qui est en train de disparaître ».

   Oui le monde ne va pas bien ; mais lisez « Indice des feux », vous pourrez peut-être mieux y envisager votre place et apprendre à y rire irrésistiblement de tout. Un bénéfice inestimable.”

   Bel été de lectures avec ce “Cap sur le Québec”, un dossier qui chronique aussi des livres pour la jeunesse, des BD et des essais comme ce “Petit cours d’autodéfense intellectuelle” de Normand Baillargeon publié il y a 15 ans chez Lux. Illustré par Charb, ce petit bréviaire, malheureusement toujours d’actualité, nous invite plus que jamais à éveiller notre esprit critique et à élargir nos horizons.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *