Mitsumasa Anno? Ce nom ne vous dit probablement rien. À vrai dire, à l’annonce de son décès la veille de Noël, je n’ai pas immédiatement réagi. Et puis je me suis souvenu de ces livres pour enfants en compagnie desquels j’ai passé un temps précieux avec mes enfants, puis mes petits-enfants blottis contre moi ( je vous parle d’un temps d’avant la pandémie, parenthèse que je n’aurais jamais imaginé écrire il y a un peu plus d’un an).
C’est à la suite de plusieurs voyages en France, en Italie, en Espagne, au Danemark… que le dessinateur japonais Mitsumasa Anno, né en 1926 va avoir l’idée de faire découvrir sa vision de la vieille Europe à ses compatriotes.
Il faut rendre grâce à L’école des loisirs d’avoir publié, un an après le Japon, en 1978, ce livre inépuisable qu’est Ce jour-là…, assez vite suivi- c’est le cas de le dire!- de Le jour suivant ( que l’éditeur serait bien inspiré de rééditer) .
Une année après paraît Loup y es-tu ?, formidable livre-jeu où le “lecteur” est invité à découvrir des silhouettes d’animaux et de personnages cachées dans un paysage où domine le vert de la forêt.
Sur la couverture de “Ce jour-là”, une ferme ancienne, un homme qui refait une palissade, un vieillard qui promène son chien, des enfants qui jouent, un peintre à son chevalet, des vaches dans un grand pré… et un cavalier, au pas de son cheval, un peu raide, qui sort de l’ombre de la ferme.
Ce héros solitaire, nous le verrons, au début du livre, accoster en barque sur le rivage, puis acheter un cheval. Nous allons le suivre de double page en double page, cheminer au pas lent de sa monture, traverser la vieille Europe du Moyen-Âge aux années 50… laisser son cheval et disparaître à l’horizon. Mais quel voyage! Cinquante pages qui fourmillent de détails, de clins d’œil à la peinture, “L’Angélus” de Millet, “La baigneuse” de Renoir ( qu’un garnement s’apprête à reluquer!) , “Le pont-levis”de Van Gogh, des citations de Bruegel, Courbet…Au coin d’une page, “Le petit chaperon rouge” , “Le chat botté” que j’ai mis du temps à remarquer parmi les personnages d’un carnaval endiablé, on voit même Beethoven à sa fenêtre et Don Quichotte partir à l’assaut d’un moulin à vent.
On sent que l’artiste a dû bien s’amuser à disséminer avec humour ces petits tableautins au milieu de cette belle nature, de ces hommes qui travaillent, de ces enfants qui jouent dans ces villages et ces villes méticuleusement dessinés par le pinceau,la plume et l’aquarelle délicate de Mitsumasa Anno. J’aime bien ce prisonnier , au costume rayé comme les parasols de la place du marché, s’évadant grâce à une corde de la haute tour de sa prison.
On ne se lasse pas de cette vision panoramique, de cette déambulation dans l’imaginaire du créateur, de cette promenade dans le temps. Il faut plusieurs “lectures”( il faudrait inventer un autre mot pour décrire l’expérience de découverte de ce livre sans paroles) pour voir une famille déménager … et emménager dix pages plus loin.

” J’attends le jour où les enfants d’aujourd’hui seront adultes” -s’amuse Mitsumasa Anno- “Ils iront voir des tableaux au Louvre, L’angélus de Millet par exemple et ils diront: “Millet a fait cela d’après Anno!”

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