C’est en temps de crise que se révèlent les hommes, les civilisations. Il peut être le moment de la réflexion qui impulse une révolution des modes de pensée.
Passé le moment de sidération, arrive celui de la réflexion qui mène à l’action.
C’est ainsi que s’est créé, dans la clandestinité, le 27 mai 1943, alors que la victoire contre le fascisme était loin d’être acquise , le Conseil National de la Résistance (C.N.R) qui a suscité un formidable espoir avec son programme intitulé Les jours heureux.
Le 15 mars 1944, le programme est adopté à l’unanimité : il prône l’”instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie”. Il crée le régime général de la Sécurité Sociale, un régime de “retraite des vieux “, instaure la nationalisation de banques et d’assurances, du gaz et de l’électricité…, augmente les salaires, institue les comités d’entreprise et rétablit les libertés syndicales supprimées par le régime de Vichy.
Le film de Gilles Perret , Les jours heureux, réalisé en 2013, fait revivre ce moment fondamental et fondateur de notre époque : www.lesmutins.org/les-jours-heureux
En 2004, on se souvient que pour le 60e anniversaire de l’adoption du programme du CNR, un appel est lancé par d’anciens résistants, faisant un parallèle entre le néolibéralisme et les puissances d’argent dénoncées dans l’appel original. Il se termine par cette formule en forme de slogan: “Créer, c’est résister. Résister, c’est créer.”
Parmi les treize résistants qui ont signé cet appel, on retient les noms de Lucie et Raymond Aubrac, de Germaine Tillion, de Jean-Pierre Vernant et de Stéphane Hessel qui, en 2010, il y a tout juste 10 ans, publiera un essai d’une trentaine de pages Indignez-vous! En un an, le livre est traduit en 34 langues et se vend à 4 millions d’exemplaires : primauté de l’intérêt général sur l’intérêt financier, dénonciation de l’écart des richesses et de la destruction de la planète, ce texte est, malheureusement, plus que jamais d’actualité.
On se souvient que le 13 avril, avec une certaine solennité, Emmanuel Macron avait affirmé, qu’après la crise provoquée par le coronavirus, nous retrouverions “les jours heureux”, claire allusion au titre du programme politique et social publié en mars 44.
On avait plutôt l’impression jusqu’ici que la politique néolibérale menée depuis trois ans., avec la bénédiction du MEDEF, relevait davantage du détricotage, voire de la destruction d’un modèle social de solidarité. Les personnels soignants, qu’on couvre aujourd’hui d’ éloges (et qu’on menace de couvrir demain de médailles !) en savent quelque chose, eux qui se sont battus pour le défendre et l’améliorer.
Faire revivre « Les Jours heureux ». C’est l’objectif que se fixent une vingtaine de personnalités « en dehors des partis et des syndicats (mais pas contre eux) ». Ils sont philosophes, sociologues, juristes, économistes, médecins … et viennent de constituer le Conseil national de la nouvelle résistance (CNNR) « pour mener le combat du jour d’après (…) en se plaçant sous la tutelle de l’histoire, des luttes sociales et écologiques contemporaines ». Leur « ambition » affichée « est d’offrir un point de ralliement à toutes celles et ceux, (individus, collectifs, mouvements, partis ou syndicats) qui pensent que “les Jours heureux” ne sont pas une formule vide de sens mais le véritable horizon d’un programme politique ».
Déterminés à agir « face à l’incompétence du gouvernement, à la tentation chaque jour plus grande de l’autoritarisme et à la mise en œuvre d’une stratégie du choc », le CNNR entend « dans un premier temps, énoncer les principes selon lesquels notre société devra désormais être gouvernée » et envisage « de sommer les responsables politiques de prendre des engagements vis-à-vis d’eux ». Il annonce une publication du résultat de ses premiers travaux le 27 mai, à l’occasion de la journée nationale de la Résistance.
« Dans un deuxième temps, à partir de ces principes, il s’agira de nourrir le plus largement possible ce programme des idées et des propositions de chacun afin qu’il soit opérationnel au plus vite. »
On ne sera pas surpris de retrouver au secrétariat de ce CNNR le réalisateur des “Jours Heureux” Gilles Perret ou deux résistants comme Anne Beaumanoir et Claude Alphandéry.
Cette initiative, annoncée dans un texte et une vidéo, se distingue des traditionnels appels unitaires de personnalités politiques, syndicales et associatives et on peut rêver que ce pari, nourri d'une utopie créatrice , crée une véritable dynamique et que les citoyens qui ne veulent plus de ce monde, véritable train fou emmenant l'humanité à sa perte, s'en emparent pour créer une véritable démocratie sociale et environnementale.
Comme le disent les cofondateurs de ce CNNR, reprenant la belle phrase de Bertolt Brecht : “Ceux qui se battent peuvent perdre, ceux qui ne se battent pas ont déjà perdu.”
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