On a tous entendu parler du New Deal mis en place par Franklin Roosevelt pour sortir les USA de la grande crise de 1929. Cette Nouvelle Donne a pour ambition de remettre le pays en marche et commence en 1933 au moment de l’élection triomphale de Roosevelt à la présidentielle.
Le pays est en ruine. Le taux de chômage atteint 30 %. Les raisins de la colère de John Steinbeck, roman majeur au succès planétaire publié en 1939, montre bien la misère qui s’empare de millions d’Américains, contraints à une nouvelle ruée vers l’Ouest pour trouver du travail.
Le New Deal, c’est l’invention d’un système de retraite, du droit au chômage, d’un salaire minimum, de la fin du travail des enfants … En 1935 le Social security act est véritablement l’invention de la sécurité sociale!
Roosevelt mène tambour battant une politique volontariste: ” La seule chose dont nous devons avoir peur, c’est la peur elle-même” affirme-t-il.
Mais ne nous y trompons pas, Roosevelt n’est pas devenu un dangereux communiste comme le croient les milieux d’affaires ! Il ne veut pas dynamiter le capitalisme mais le dynamiser. C’est un pragmatique instinctif qui a compris avant tout le monde qu’il fallait “mettre le paquet” pour redresser l’économie américaine. Et cela va marcher.

Mais ce que l’on sait moins, c’est que Roosevelt va aussi proposer un New Deal culturel.
C’est d’autant plus surprenant qu’il ne s’intéresse pas à la culture et préfère collectionner les timbres ou les bateaux miniatures !
Harry Hopkins, son “ministre de la culture”, même s’il n’en a pas le titre, est lui, un homme de culture et un ami personnel de la First Lady, Eleanor Roosevelt. Il croit tout simplement que la culture peut redonner vie à la démocratie américaine.
En quelques mois, des dizaines de milliers d’artistes sont embauchés : 7000 écrivains,
des milliers de peintres, sculpteurs et photographes. 16 000 musiciens (5000 concerts donnés chaque mois).
Avec le Federal Theatre Project ce sont 13 000 comédiens recrutés et 830 pièces créées dans 31 états.
On n’en finirait pas de citer les artistes embauchés : les écrivains Saul Bellow, Nelson Algren … les peintres Rothko et Pollock, les photographes Berenice Abbot ou Walker Evans , les cinéastes John Huston, Joseph Losey, Orson Welles…
La dimension politique et sociale n’est pas oubliée dans ce volet culturel : création de pièces sur le mal logement, le racisme, le handicap.
Entre 1935 et 1939, 25 millions d’Américains ont assisté à un spectacle.

Ce kaléidoscope doit beaucoup au remarquable article de Frédéric Martel mis en ligne cette semaine sur le site de France Culture . Il est Intitulé La grande dépression .
L’auteur de l’incontournable ” De La culture en Amérique ” nous fait revivre cette époque qui a changé la face du monde et préfiguré le succès mondial de la culture américaine à partir des années 50.

https://www.franceculture.fr/histoire/la-grande-depression-culturelle#xtor=CS4-1

Il est toujours hasardeux d’établir des parallèles entre des situations de crise aux origines si différentes mais il est troublant de voir qu’aujourd’hui comme hier, le secteur culturel en ressort véritablement sinistré.
On peut rêver que ceux qui nous gouvernent prennent la mesure du cataclysme qui, en quelques mois, a bouleversé les équilibre du monde. Se trouvera-t-il sur cette planète des dirigeants visionnaires, comme Roosevelt -En 1942, dans un discours devant le congrès, il affirme : « je pense qu’aucun américain ne devrait avoir un revenu après impôt supérieur à 25 000 dollars ( 1 million de dollars d’aujourd’hui) . Je propose de créer un taux marginal d’imposition à 100 % au-delà de 25 000 dollars .» Le congrès acceptera finalement 93 %. Roosevelt est convaincu que la concentration des richesses signifie la concentration des pouvoirs et la capacité d’influencer les politiques publiques et les marchés, de créer des monopoles, d’acheter des journaux, bref d’imposer une idéologie. – des dirigeants capables aujourd’hui de renverser la table du banquet où les plus riches se gavent et se gobergent de plus en plus?

Les gesticulations en bras de chemise de notre monarque montrent à l’évidence qu’il n’a pas pris la mesure de la révolution -tout le monde a oublié que c’était le titre de son livre!- indispensable pour ne pas nous fracasser dans le mur dans lequel nous nous précipitions depuis des décennies.
De toutes part les propositions affluent pour sortir de la crise par le haut mais il y faut du courage, de l’empathie, une vision planétaire qui fait fi des petits calculs électoraux du court terme. Il y faut un Nelson Mandela ou un Martin Luther King qui proposent un rêve et un horizon.
C’est dans ce sens là que Nicolas Hulot lance ce Manifeste pour l’après-Covid où il exhorte le chef de l’état à engager un vrai changement de modèle proposant 100 principes pour un nouveau monde. C’est un collectif de 200 artistes et scientifiques qui dit NON à un retour à la normale pour éviter la catastrophe écologique. C’est aussi la tribune que Vincent Lindon a donné cette semaine à Mediapart, un cri de colère qui doit être entendu et qui nous invite à redonner ses lettres de noblesse à la notion de démocratie :

https://www.mediapart.fr/journal/france/060520/un-appel-de-vincent-lindon-comment-ce-pays-si-riche?onglet=full

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