André Comte-Sponville, dont j’ai évoqué la semaine dernière le coup de gueule contre le “sanitairement correct”, en a “remis une couche” ce lundi dans les matins de la philosophie de France Culture où il parle essentiellement de son cher Montaigne à qui il consacrera un “dictionnaire amoureux” qui devrait paraître en fin d’année.
Il s’insurge contre le fait que la santé soit considérée, non comme un bien, mais pour une valeur en soi. Il nous invite à voir en face la réalité, avec lucidité, à se familiariser, comme Montaigne, avec l’idée de la mort, à prendre le temps d’y penser et à ne pas en avoir peur.
Comme André Comte-Sponville, je crains bien davantage d’être atteint un jour de la maladie d’Alzheimer- qui touche chaque année en France 225 000 personnes- et dont on ne guérit pas, que ce virus couronné dont le taux de létalité se situe autour de 2,5%. Rappelons aussi que 600 000 personnes meurent chaque année en France dont 150 000 du cancer.

En ces temps de confinement, vous avez peut-être pris le temps de voir cette semaine sur Arte l’exceptionnel documentaire du tchèque Stan Neumann intitulé Le temps des ouvriers : quatre épisodes d’une grande densité pour raconter trois siècles de condition ouvrière, la dureté de cette condition, les combats pour plus de justice… Comme le titre l’indique ” Le marqueur de la condition ouvrière, c’est la dépossession du temps: être ouvrier, c’est vendre, aliéner son temps.”
Un remarquable travail d’animation, non dénué d’un humour parfois noir, des extraits de films de fiction, des interviews d’ouvriers et d’historiens contribuent à faire de cette fresque un irremplaçable document. Et quelle voix pouvait mieux nous guider dans cette histoire que celle de l’auteur de Travailler encore, Bernard Lavilliers ?
Si vous avez raté ce documentaire, pas d’inquiétude, il est disponible en DVD chez Arte Éditions.

Mon kaléidoscope fête aujourd’hui son deuxième anniversaire et c’est la vision d’un autre indispensable documentaire consacré à l’esclavage qui a été l’élément déclencheur de mon premier envoi qui vous est parvenu le 6 mai 2018.

On peut malheureusement rapprocher le documentaire sur les ouvriers diffusé cette semaine de celui sur l’esclavage. Dans le premier volet intitulé Le temps de l’usine , qui couvre la période allant de 1700 à 1820, il y a des documents saisissants sur ces paysans anglais dont on brûle les maisons pour les obliger à travailler comme des esclaves dans des fabriques et sur ces enfants obligés de travailler dès l’âge de cinq ans.

Et les hasards de la programmation font que la trop méconnue chaîne publique France Ô (que l’actuel gouvernement a décidé de supprimer dès ce mois d’août!) le rediffuse ce jeudi 7 mai à 20h55. Si vous ne l’avez pas vu, ces 200 minutes retraçant 1200 ans d’histoire sont absolument indispensables et vous retrouverez ci-dessous l’essentiel de mon premier kaléidoscope consacré aux Routes de l’esclavage. ( J’ai consacré à l’esclavage aujourd’hui mon 25ème kaléidoscope.)

https://local.attac.org/vienne38/
               LES ROUTES DE L'ESCLAVAGE.

Avez-vous vu ce passionnant et bouleversant documentaire consacré à l’esclavage? Si oui, vous n’êtes pas prêts d’oublier ces images, ces témoignages …
Les trois réalisateurs nous montrent qu’
“asservir est une pratique aussi vieille que l’humanité.Les premiers empires grec, romain, arabes du pourtour méditerranéen capturaient les peuples slaves pour accomplir les tâches jugées indignes. Peu à peu, les empires arabo-musulmans se tournent vers l’Afrique. Ils cherchent des esclaves au-delà des terres islamisées. Tombouctou devient alors la plaque tournante de la fourniture de captifs. À partir du XVIe siècle, et de l’exportation par les Portugais du continent en quête d’or, le piège se referme sur l’Afrique. Elle devient l’eldorado où les Européens puisent la main-d’oeuvre nécessaire à l’exploitation des plantations sucrières implantées aux Antilles et aux Amériques. Banque et assurance se développent pour prêter l’argent nécessaire aux expéditions négrières et assurer les cargaisons. L’investissement est très rentable. Plus de vingt millions d’Africains ont ainsi été déportés et vendus.”( écrit Christine Chaumeau dans Telerama).
Les 4 parties du documentaire qui dure en tout 3h20 couvrent 1200 ans d’histoire mondiale.
Ce que montrent très bien les réalisateurs c’est que l’esclavage, cette sorte de première mondialisation, est à l’origine de la mise en place des rouages du capitalisme européen avec le terrible commerce triangulaire ( qui servira en partie à financer la première révolution industrielle).

 Le documentaire s'arrête à la fin du XIXe siècle et incite à s'intéresser à la situation actuelle: Pas de quoi se réjouir. 
Fanny Glissant, une des réalisatrices des ROUTES DE L'ESCLAVAGE ( elle aussi descendante d'esclaves)  - après avoir dit que les 23 millions d'esclaves ont été déportés pour le profit et rien d'autre affirme qu'aujourd'hui le monde compte encore environ 40 millions de victimes de l'esclavage moderne.
 Les chiffres de l'OIT ( organisation internationale du travail) disent qu'au moment où vous lisez ces lignes 246 millions d'enfants sont engagés dans un travail forcé et les trois quarts dans un environnement dangereux ( mines, usines, agriculture intensive).
 L'UNICEF ne nous remonte pas le moral en estimant que 300 000 enfants soldats sont exploités dans des conflits armés dans plus de 30 pays.

 Après un tel constat il nous appartient de faire quelque chose de toutes ces connaissances. Ne nous résignons pas à un tel état du monde, alertons nos enfants, invitons-les à la curiosité.

   Mais laissons le dernier mot à VOLTAIRE qui en 1759 écrit dans CANDIDE :

“En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n’ayant plus que la moitié de son habit, c’est-à-dire d’un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite.
-“Eh! mon Dieu! Lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là, mon ami, dans l’état horrible où je te vois?
-J’attends mon maître, M.Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le nègre.
-Est-ce M.Vanderdendur, dit Candide, qui t’a traité ainsi?
-Oui, monsieur, dit le nègre, c’est l’usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l’année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe: je me suis trouvé dans les deux cas. C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe.”

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