Comme l’ont remarqué quelques personnes, mon kaléidoscope a fait relâche la semaine dernière: j’ai découvert grâce aux “Rendez-vous de l’aventure” de Lons-le-Saunier, une très agréable petite ville, patrie de Rouget de Lisle et de … la vache qui rit, une multitude de films frappés au coin de l’aventure.
J’ai été touché par l’aventure humaine d’Eric Longsworth qui a mis ses pas dans ceux des centaines de milliers de protestants qui se sont exilés en Suisse et en Allemagne après la révocation de l’édit de Nantes en 1685. Pas de quoi faire un film, me direz-vous ! Sauf qu’Eric est violoncelliste et a décidé de ne pas se séparer de son encombrant compagnon pour arpenter les 400 kilomètres du “Sentier des huguenots”. De Poët-Laval dans la Drôme jusqu’à Genève, Eric a animé, après une petite trentaine de kilomètres par jour des rencontres musicales auxquelles se sont joints tous ceux qui voulaient y participer, l’occasion d’échanges chaleureux et émouvants autour de la musique.
Le film de Romain Saudubois Randonnée musicale, sur les sentiers des huguenots vient en écho à l’errance des réfugiés qui sont contraints de quitter leur pays.
Et ce soir-là à Lons-le-Saunier, à l’issue de la projection, nous avons eu la chance d’entendre un concert improvisé d’Eric, en compagnie d’une flûtiste, d’un saxophoniste et d’un harmoniciste.
Pendant quatre jours, grâce à Virgile et Marion et une chaleureuse équipe de bénévoles, nous avons pu découvrir d’autres aventures humaines d’une grande intensité, côtoyer des cinéastes et des écrivains heureux de partager leur univers et leur passion.
Membre du jury du livre, j’ai découvert le livre de Marc Allaux, Ivre de steppe, récit d’une immersion d’un hiver entier dans le quotidien d’une famille d’éleveurs de Mongolie. Mais c’est finalement à Guillaume Jan que nous remettrons le prix pour Samouraïs dans la brousse. Amoureux du Congo, l’auteur avait besoin d’un prétexte pour s’aventurer dans la jungle chère au Marlow de Joseph Conrad dans l’hallucinant Au Cœur des ténèbres. Guillaume Jan va découvrir l’existence du japonais Takayoshi Kano, le premier scientifique à étudier, dès 1973, le comportement des bonobos ( qu’il comparera à des hippies alors que les chimpanzés sont davantage des guerriers) et à partir sur ses traces. De cette expédition va naître un livre vivant et souvent drôle, tour à tour enquête sur une aventure scientifique hors-normes, récit ethnologique, réflexion politique sur un pays mis en coupe réglée par ses dirigeants, discussion philosophique sur l’origine de l’humanité. Guillaume Jan écrit ainsi que “les hommes ont hérité tout autant de l’un que de l’autre : ils sont querelleurs comme des chimpanzés, mais aussi altruistes comme les bonobos; ils construisent des frontières, les plus stupides érigent des murs et vocifèrent des insultes, mais ils ont également la faculté de bâtir ensemble des œuvres séculaires, de se donner la main, de pardonner à ceux qui se trompent.”
C’est un peu par hasard que je suis allé voir Sibel, le film turc de Cagla Zencirci et Guillaume Giovanetti et le hasard a bien fait les choses: le cinéaste nous fait emboîter le pas énergique de Sibel, sauvageonne muette de 25 ans qui empoigne son fusil pour arpenter la forêt à la poursuite d’un loup qui hante cette région montagneuse de la Turquie. Sibel, qui communique grâce à la langue sifflée ancestrale de la région est rejetée par la communauté villageoise, rivée aux traditions religieuses et au poids des superstitions . Elle rencontrera, dans cette forêt obscure, un fugitif blessé qui portera sur elle un autre regard.
Sibel est un très beau film sur l’altérité et la communication, un film en tension permanente.
Il reste quelques jours aux heureux habitants de Paris et des environs pour découvrir au Petit Palais l’étonnante exposition de dessins et lavis de Jean-Jacques Lequeu, architecte et dessinateur surdoué qui a eu la bonne idée, juste avant de mourir en 1826 de faire don à la bibliothèque royale de 800 dessins et manuscrits. L’expo, très justement intitulée Jean-Jacques Lequeu bâtisseur de fantasmes nous accueille avec des autoportraits grimaçants et se termine avec des nus dessinés crûment, préfigurant l’origine du monde de Courbet.
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