Le frottement furtif des fusains sur le papier blanc. Des visages de femmes en plans serrés concentrés sur leur modèle, une femme à l’allure altière, au profond regard. Le silence.
Céline Sciamma installe dès les premières minutes de son Portrait de la jeune fille en feu – quel beau titre! – une forme d’intensité qui capte notre attention. Cette belle femme qui pose est peintre. Destin singulier dans les années 1770. “Prenez le temps de me regarder ” dit Marianne à ses élèves mais cette injonction vaut aussi pour nous .
Un tableau, ressurgi du passé, va nous ramener quelques années en arrière sur une île où Marianne débarque avec son encombrant attirail de peintre pour faire le portrait d’Héloïse, jeune aristocrate que sa mère veut marier. Marianne devra se faire passer pour la dame de compagnie afin d’observer à son insu la jeune fille pour faire son portrait qui sera envoyé à son prétendant italien.
Il y a dans ce film des moments de grâce comme cette insouciante et joyeuse partie de cartes entre Héloïse, sa servante Sophie, et Marianne. Les classes sociales y semblent abolies. Une autre séquence que je ne dévoilerai pas met à nouveau en scène ce trio féminin, solidaire dans l’épreuve, avec une infinie délicatesse.
La musique n’est jamais décorative et joue un rôle important dans le film : un bouleversant chœur de femmes du peuple fait surgir de la nuit un lancinant chant a capella. À un autre moment, Marianne joue pour Héloïse quelques notes des “Quatre Saisons de Vivaldi” au clavecin en expliquant les intentions du musicien ; et à la fin du film on voit, bien des années plus tard, Héloïse écouter, seule dans sa loge, une version orchestrale des “Quatre Saisons” et son visage revivre avec de plus en plus d’intensité les émotions éprouvées dans sa jeunesse.
“Portrait de la jeune fille en feu”, comme son titre le laisse suggérer, est un film incandescent sur le désir et la liberté. Un film dont les hommes sont pratiquement absents. Il est porté par des actrices magnifiques: Adèle Haenel campe admirablement une jeune fille rebelle, Noémie Merlant est impressionnante de grâce et d’intensité dans ce rôle d’artiste et Luàna Bajrami endosse avec subtilité le rôle de la camériste.

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