C’est surtout grâce à Georges Brassens que l’on connaît l’existence de Mademoiselle du Parc, de son vrai nom Marquise-Thérèse de Gorla (née en 1633), une très belle actrice et danseuse qui fit connaissance à Lyon de la troupe de Molière qui l’engagea aussitôt. Lors du passage à Rouen de la troupe, les frères Corneille lui firent en vain la cour. Nul ne sait si la description faite par un contemporain de Marquise rendit fou Pierre et Thomas: “Elle faisait certaines cabrioles remarquables, car on voyait ses jambes et une partie de ses cuisses, par le moyen de sa jupe fendue des deux côtés, avec des bas de soie attachés au haut d’une petite culotte”. Ce qui est certain c’est que Thomas Corneille ( complètement tombé dans l’oubli bien qu’il ait écrit plus de quarante pièces de théâtre) lui écrit 136 vers dont ces adieux :
“Allez, belle Marquise, allez en d’autres lieux
Semer les doux périls qui naissent de vos yeux…”

Mais la postérité retiendra surtout les Stances de Pierre Corneille que Georges Brassens mettra en musique en 1962, un peu plus de trois siècles après leur écriture, dans un disque où l’on trouve aussi “Les trompettes de la renommée ” ( bien mal embouchées selon leur auteur ! ). Brassens se contente des trois premières strophes répétées deux fois.

Marquise si mon visage
A quelques traits un peu vieux
Souvenez-vous qu’à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux

Le temps aux plus belles choses
Se plaît à faire un affront,
Et saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.

Le même cours des planètes
Règle nos jours et nos nuits :
On m’a vu ce que vous êtes;
Vous serez ce que je suis.

Dans la suite du poème, Corneille pousse un peu plus loin le bouchon, et on peut juger cavalier ce chantage à la postérité du dramaturge...qui se trompait malheureusement sur un point : le temps n'a pas fané les roses de Marquise qui est morte dans tout l'éclat de sa beauté à 35 ans, quelques mois après avoir créé Andromaque de Racine qui eut, lui, le privilège d'obtenir les faveurs de cette star du grand siècle.

Cependant j’ai quelques charmes
Qui sont assez éclatants
Pour n’avoir pas trop d’alarmes
De ces ravages du temps.

Vous en avez qu’on adore ;
Mais ceux que vous méprisez
Pourraient bien durer encore
Quand ceux-là seront usés.

Ils pourront sauver la gloire
Des yeux qui me semblent doux,
Et dans mille ans faire croire
Ce qu’il me plaira de vous.

Chez cette race nouvelle,
Où j’aurai quelque crédit,
Vous ne passerez pour belle
Qu’autant que je l’aurai dit.

Pensez-y belle Marquise,
Quoiqu’un grison fasse effroi,
Il vaut bien qu’on le courtise
Quand il est fait comme moi.

L’humoriste Tristan Bernard composa 250 ans plus tard un quatrain ( en octosyllabes alors que Corneille compose des vers de sept pieds) qui est en quelque sorte la réponse de la bergère au berger. Il imagine que Marquise, qui avait du caractère, aurait pu ainsi moucher un tantinet l’orgueil et la vanité du grison et lui rabattre son caquet!
Et l’on n’est pas surpris que le malicieux Georges Brassens à qui les gros mots n’ont jamais fait peur ait repris, presqu’à l’identique cette strophe :

Modifier
Peut-être que je serai vieille
Répond Marquise, cependant
J’ai vingt-six ans mon vieux Corneille
Et je t’emmerde en attendant.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *