En ce début d’année je consacrais mon 304ème kaléidoscope à Shein, l’enseigne préférée des Français… dont le modèle est calamiteux à tous les niveaux.
On ne peut pas vraiment dire que, depuis neuf mois, les pouvoirs publics en France et en Europe, aient fait grand-chose pour entraver l’activité délétère de Shein.
Le site a encore gagné des parts de marché, a atteint les 38 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2024 et il est visité chaque jour par 4,4 millions de personnes en France. D’autres chiffres donnent également le tournis :
-7000 nouvelles références ( vêtements, sacs, articles pour bébés, chaussures…) chaque jour !
-23 millions de clients en France.
-600 millions de petits colis déversés chaque année par Shein, Temu et autres plateformes Chinoises.
-9 euros le panier moyen des acheteurs en France.
On ne peut évidemment quantifier le nombre de milliards de kilomètres parcourus par les livreurs sur les routes de France et le bilan carbone d’un soutien-gorge ou d’une paire de chaussettes qui finiront quelques jours plus tard à la poubelle.
Mais proposons un autre chiffre: portons la taxe de 2 euros que le gouvernement envisage pour les petits colis de moins de 150 euros en 2026 à 5 ou 6 euros pour freiner cette frénésie et rapporter peut-être un ou deux milliards d’euros aux caisses de l’état.
Et pourquoi ne pas priver de toute forme de publicité -comme pour le tabac et l’alcool- Shein et ses confrères?
Au moment où le site s’autorise à vendre des poupées pédopornographiques, des machettes et des coups-de-poing américains, il me semble qu’il y a une fenêtre de tir -pour filer la métaphore guerrière- pour rendre acceptables ces mesures de bon sens.
Qu’attend la commission de Bruxelles pour ouvrir une enquête contre Shein -elle était déjà envisagée en début d’année- qui est également soupçonné de ne pas suffisamment lutter contre la vente de produits illégaux ?
Et pour couronner le tout, Shein a ouvert cette semaine au BHV son tout premier magasin physique au monde … avant d’en ouvrir cinq autres aux Galeries Lafayette de Dijon, Reims, Grenoble, Angers et Limoges: le loup est le bienvenu dans la bergerie!
Par ailleurs, mon kaléidoscope de février n’a hélas pas pris de rides et je vous le propose à nouveau sans grande modification… si ce n’est que Christophe Castaner a discrètement renoncé en septembre à son poste de conseiller sur «la responsabilité environnementale et sociale de Shein ». On ne l’a pas beaucoup entendu ces jours-ci ce lobbyiste de choc!
Quelle est l’enseigne de mode préférée des Français ? Un article du quotidien Libération du 3 février écrit par Sabrina Champenois m’apprend qu’il s’agit de Shein, un groupe chinois inconnu au bataillon il y a seulement une quinzaine d’années et qui ne vend qu’en ligne. En 2013 le groupe n’avait que 100 employés et il est valorisé aujourd’hui selon le Financial Times à 100 milliards de dollars et a engrangé en 2024 deux milliards de dollars de bénéfices! La marque a transféré son siège à Singapour et envisage d’entrer à la bourse de Londres. Les ventes de Shein ont bondi de 58% entre 2023 et 2024 et le nouveau géant chinois a détrôné Vinted – le site de revente lituanien qui dominait le marché depuis 2020. Les enseignes Kiabi, Intersport et Zara qui occupent les places suivantes du classement illustrent la domination de la fast fashion.
Au départ Shein vendait des robes de mariées mais aujourd’hui le modèle économique est de vendre à très bas prix des vêtements de piètre qualité qui seront jetés au bout de quelques semaines. Bienvenue dans l’ultra fast fashion! En bon français la mode éphémère ou express. Au-delà du monstrueux gaspillage induit par le géant chinois qui surfe sur la crise économique, il est capital de savoir que cela « implique des conditions de travail qui valent à l’enseigne d’être accusée par plusieurs O.N.G. de non-respect des droits de l’homme (des parlementaires américains pointent l’exploitation des Ouïghours, minorité musulmane habitant surtout dans la région chinoise du Xinjiang); leur exportation à travers la planète entraîne un impact environnemental catastrophique. » Et Sandrine Champenois ajoute que l’application de vente présenterait un risque pour la protection des données personnelles des utilisateurs dont la tranche d’âge se situe entre 15 et 25 ans. Et Shein a été condamné à 200 millions d’euros pour le non-respect des données personnelles.
L’ONG Public Eye révèle fin 2021 que des salariés d’Ambo, le principal entrepôt de Shein travaillent 12 heures par jour et jusqu’à 28 jours par mois. On sait également que l’impact environnemental du textile est désastreux et qu’il est l’un des secteurs économiques les plus polluants. On sait également que ce secteur fait travailler des enfants qui manipulent des produits chimiques sans protection, et on a retrouvé sur des vêtements d’enfants vendus par Shein un taux de plomb 20 fois plus élevé que celui autorisé.
Une dernière pensée pour les 1127 ouvriers de l’industrie textile victimes de la fast fashion- morts dans l’effondrement du Rana Plazza à Dacca, la capitale du Bangladesh le 24 avril 2013, ouvriers qu’on avait contraints à rejoindre leur lieu de travail malgré les fissures constatées la veille dans l’immeuble.
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