Pas beaucoup d’idées cette semaine !
L’occasion de remettre en avant un livre qui m’avait marqué il y a un peu plus de sept ans ( voir K19 sur le blogue grâce à ce lien: Kaléidoscopes ! ) d’un auteur tiré de l’oubli par les éditions Zulma: Zora Neale Hurston, une romancière noire américaine née en 1891 et morte en 1961. Native de l’Alabama, ses quatre grands-parents étaient esclaves.
   Son œuvre est largement méconnue en France. En tout cas, on ne connaissait pas son œuvre maîtresse MAIS LEURS YEUX DARDAIENT SUR DIEU, un des tous premiers romans écrits par une Afro-Américaine. Ou plutôt sa publication sous un titre peu fidèle à l’original « Une femme noire » en 1993 n’avait pas sorti Zora Neale Hurston de l’oubli. Il faut dire que cette forte personnalité a eu un parcours hors normes : première femme noire anthropologue -en compagnie de Margaret Mead, excusez du peu! -elle participe activement au mouvement Harlem Renaissance. Toni Morrison a toujours revendiqué sa dette envers Zora Neale Hurston qu’elle considère comme « l’un des plus grands écrivains de notre époque « . Beyoncé elle-même a reconnu son influence sur elle et l’importance de son combat contre la discrimination raciale.
Dès les premières pages du livre, le lecteur est saisi par le style éblouissant de Zora Neale Hurston, un mélange de poésie charnelle et panthéiste et du langage parlé par les noirs descendants des esclaves . À Eatonville, en Floride Janie Mae Crawford est de retour:
« Tous la virent revenir car c’était au soleil descendu. Le soleil s’en était allé, mais il avait laissé dans le ciel l’empreinte de ses pas. »
   Elle se raconte à son amie : »Ma Pheoby , ça fait vingt ans qu’on est copines à se becquer, et je m’en remets à ton bon jugement. C’est de là que je te parle maintenant. »
Le temps est là pour envieillir les choses, aussi la ténèbre jeune et fraîche se mua-t-elle en une monstruopulente vieille chose, tandis que Janie parlait. »
   Janie n’a connu ni son « paa » ni sa « maama ». C’est sa « grandmaa » qui l’a élevée.
   Après un premier mariage malheureux, Janie croit avoir trouvé l’amour avec l’entreprenant Joe Starks avec qui elle décide de partir jusqu’à Eatonville dont Joe Starks deviendra le premier maire. Joe ne veut pas que Janie sorte de son ombre et considère qu’elle n’a pas davantage voix au chapitre que les animaux : » Elle cessa d’être une corolle de pétales ouverte pour lui. Elle avait vingt-quatre ans et elle était mariée depuis sept ans déjà quand elle le comprit . Un jour dans la cuisine, à l’instant où il la gifla . »
Mais l’entrée en scène de Tea Cake va illuminer la vie de Janie. Leur amour irradie la dernière partie du roman: » Y’a personne dans le monde qui peut te venir à la cheville, chère. C’est toi qu’as les clés du royaume » lui dit-il à plusieurs reprises.
C’était une gageure que de traduire un roman d’une telle ampleur sans le trahir et on se demande comment Sika Fakambi s’y est pris pour restituer le parler des Noirs de Floride, la sève de cette langue drue, imagée, charriant comme un torrent poétique la beauté des sentiments.
Mais leurs yeux dardaient sur Dieu est un roman d’amour tragique, une ode à la liberté de choisir son destin, comme Gouverneurs de la rosée qui a fait l’objet de mon huitième kaléidoscope et comme lui, il est profondément enraciné dans une langue charnue. Zora Neale Hurston ayant effectué une mission ethnographique en Haïti en 1937 ( où elle s’intéresse, elle aussi, au Vaudou) on peut même imaginer qu’elle a rencontré Jacques Roumain ! Beau sujet de roman, non?
Autre point commun les deux livres sont publiés chez ZULMA qui ne cesse de nous faire découvrir de nouveaux horizons. Et tous les deux sont disponibles dans la belle collection de poche de Zulma.
Post Scriptum qui n’a rien à voir comme on disait au siècle dernier où on écrivait des lettres à la main : Prenez trois minutes pour écouter en « Peau de caste » – sur le site de France Inter ce vendredi 10 octobre- le clin d’œil de François Morel avec la complicité de Rebecca Manzoni à l’une de mes chansons préférées de Brigitte Fontaine et de son compagnon Areski «C’est normal ». Il parvient à nous faire rire de l’inquiétant recul de la démocratie auquel nous assistons en France et dans le monde.
Et en visio sur YouTube c’est encore mieux !
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