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KALÉIDOSCOPES !

Fragments culturels paraissant chaque samedi matin

Kaléidoscope 289: À la rencontre de Richard Ford, un immense écrivain pour son dernier livre « Le paradis des fous » en compagnie d’Olivier Cohen, son éditeur.

 

   La librairie Lucioles a le privilège d’accueillir cette semaine l’un des écrivains majeurs de notre époque et je peux affirmer que  ma vie a été marquée par la lecture de l’œuvre de Richard Ford, en particulier Une saison ardente et  Un week-end dans le Michigan le premier volume des aventures de Frank Bascombe.

   Et les rencontres avec Richard Ford à la librairie aux moments de la parution en France d’ « Indépendance » et de « L’état des lieux » font partie des moments forts de ma vie de libraire.

   Je me suis replongé, plus de 30 ans après ma première lecture, dans « Un week-end dans le Michigan ». Richard Ford, qui vit depuis plus de cinquante ans avec Kristina à qui il dédie tous ses livres et a choisi de ne pas avoir d’enfants, endosse pour la première fois la personnalité de Frank Bascombe: à 38 ans, il vit seul dans sa maison de Haddam, petite ville à quatre vingts kilomètres de New York, après le départ de sa femme et de ses deux enfants. Il ne se remet pas de la mort de Ralph, leur premier fils. L’action -si on peut parler d’action- se concentre sur les trois jours du week-end pascal en 1983. Au cours de ce voyage introspectif, Frank Bascombe fait le point sur sa vie, tour à tour mélancolique et désabusé, analysant -avec plus ou moins de lucidité- les détails insignifiants de la vie quotidienne, ses espoirs et ses renoncements, sa peur de la solitude et la difficulté à établir avec les femmes des relations. Il porte aussi un regard détaché sur les personnes de la bourgeoisie bien pensante qu’il côtoie. Richard Ford se révèle un formidable observateur des failles des êtres humains.

   Frank Bascombe, au fil des années, va continuer à nous accompagner comme un vieil ami qui donne très épisodiquement de ses nouvelles, nous fait part de ses tristesses et de ses joies, des deuils et des pertes, des femmes qu’il aime et de celles qui l’abandonnent, des villes et des lieux qu’il habite. 

   Après Indépendance qui avait valu à Richard Ford le prestigieux Prix Pulitzer en 1996 et dans lequel Frank Bascombe était devenu agent immobilier, L’état des lieux, dix ans plus tard montrait l’importance que revêtent les lieux dans nos destins et continuait de radiographier le malaise de la société américaine. Dix ans après En toute franchise, Richard Ford clôt la saga de Frank Bascombe avec Le paradis des fous

qui vient d’être remarquablement traduit par Josée Kamoun. À 74 ans, en dépit d’une vie marquée par des échecs, Frank espère encore trouver le bonheur. Son fils Paul, 47 ans, est atteint de l’incurable maladie dégénérative de Charcot et il décide de l’emmener, malgré la gravité de son état, dans une virée en camping-car à travers les États-Unis pour visiter les monuments emblématiques du kitsch américain, avec le Mont Rushmore en guise de bouquet final.

   Dans ce roadtrip au-dessus duquel plane l’ombre de la mort, Richard Ford réussit le tour de force, d’une phrase à l’autre, de nous faire rire et de nous émouvoir.

   La grande littérature est celle qui nous fait prendre conscience que nous faisons partie du monde avec nos joies minuscules ou majuscules, notre mal de vivre et notre peur de mourir. Frank Bascombe, comme nous tous, essaye de s’accommoder de la vie qui va et de notre humaine condition.

   J’aurai l’immense plaisir de dialoguer à nouveau avec Richard Ford à la librairie Lucioles ce vendredi 4 octobre à partir de 19 heures. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, son éditeur de toujours Olivier Cohen qui a aussi publié d’immenses auteurs comme Raymond Carver, l’ami de Richard Ford, et Cormac McCarthy ( voir K234 sur ce blogue  ) participera à la discussion.


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