Cela fait quelques semaines que j’envisage de consacrer un kaléidoscope à Gilbert Garcin, mais à chaque fois une actualité plus brûlante s’impose.

À vrai dire, j’ignorais tout de l’existence de ce jeune homme de 90 ans…avant l’annonce de sa disparition le 17 avril à Marseille. C’est encore une fois la presse écrite qui a bien fait son boulot en retraçant le parcours de ce photographe atypique qui mérite amplement le petit coup de projecteur ( l’expression lui aurait plu) que je vais donner sur ce personnage pas suffisamment connu de son vivant et qui a eu la mauvaise idée de mourir au beau milieu du confinement.
Ah! J’en vois trois qui lèvent la main au fond de la classe : mais oui Éric, Dominique et Yveline, vous avez raison : une rétrospective lui a été consacrée aux Rencontres Photographiques d’Arles en 2013. J’en profite pour rappeler le drame que représente leur annulation à cause de la pandémie. Ce n’était jamais arrivé en 50 ans d’existence! La plus importante manifestation consacrée à la photographie avait reçu l’an dernier 145 000 visiteurs. Une profession déjà fragile n’avait pas besoin de ce coup dur.

Mais revenons à nos moutons ! Rien ne destinait Gilbert Garcin à devenir un photographe reconnu. Né à la Ciotat en 1929, il se passionne davantage pour la voile et, après une école de commerce, passera l’essentiel de son existence à gérer son entreprise de luminaires.
Ce n’est qu’à la retraite qu’il s’intéresse à la photographie et fait un stage aux rencontres d’Arles en 1995. Un peu par désœuvrement comme il le dit lui-même. La technique qu’il va élaborer dès le départ est confondante de simplicité : il découpe des figurines de dix centimètres de haut, son alter ego de papier, affublé d’un vieux pardessus, qu’il rebaptisera plus tard Mister G et son épouse Monique. Il les dispose sur un espace couvert de sable, avec cailloux, bouts de bois ou de ficelles. Un projecteur et un écran de cinéma pour le fond. Et voilà le cabanon transformé en studio. “Je photographie des rêves” dit Gilbert Garcin. Dans ses photos le titre fait partie de l’image mais il ne faut pas qu’il en dise trop, il faut qu’il ouvre une perspective et permette des interprétations ouvertes.
Dans La vie (résumée) on voit Mister G marcher en rond dans le sable en portant sa croix… et puis il ne reste que la croix plantée dans le sable. Dans Le moulin de l’oubli, le personnage tourne encore en rond dans le sable en poussant un rouleau effaçant ses traces qu’il recrée à chaque pas. ” Gilbert Garcin fait des photos intelligentes que tout le monde peut comprendre” écrit le journaliste marseillais Yves Gerbal. La mort, la solitude, l’amour, le couple, l’absurdité de la condition humaine, les thèmes universels sont passés en revue avec un regard de poète, parfois proche de celui de monsieur Hulot. Le spectateur est ému par la fraîcheur du regard, par le pouvoir d’évocation, mine de rien, de ces images ouvertes.
En vingt ans Gilbert Garcin n’aura fait guère plus de 300 photos mais elles auront fait le tour du monde des galeries.

J’ai bien conscience qu’il est difficile de parler de photos que la plupart des lecteurs de ce kaléidoscope n’ont pas vues et, si j’ai un peu aiguisé votre curiosité, regardez les 12 minutes du Cabanon de Mister G, un petit film tourné en 2012.
Ou si vous souhaitez en savoir encore plus, je vous conseille d’aller voir, grâce à Arte Tout peut arriver, hommage au photographe Gilbert Garcin. Vous ne verrez pas passer les 53 minutes de ce beau documentaire :

https://www.arte.tv/fr/videos/097378-000-A/tout-peut-arriver/

Les lignes qui suivent s’adressent (forcément! ) à ceux qui seront allés au bout de ce 99ème kaléidoscope.
Comme vous êtes perspicaces, vous avez compris que celui de samedi prochain portera le numéro 100!
Et si c’était vous qui en assuriez en partie la rédaction?
Il est arrivé, au cours de ces deux années, que vous proposiez des textes, des poèmes, des haïku, des citations.
Vous avez souvent réagi à mes propos et je me souviens des textes très argumentés que j’ai reçus, des coups de cœur et des coups de gueule.
À vos plumes, sans masques !

                                                                                                                            

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