Depuis le 20 mars, on peut à nouveau admirer le seul tableau de Jan Van Eyck visible en France, magnifiquement restauré. On ne sait pas exactement à quelle époque La Vierge du chancelier Rolin a été peint, probablement entre 1430 et 1435. Entré au Louvre en 1800 , il s’était, au fil des années, encrassé de couches de vernis.

   Sa restauration nous fait redécouvrir tous les détails de ce petit tableau de bois de 66 cm de hauteur et de 62 de largeur. 

   Dans la luxueuse salle d’un palais, assise au premier plan à droite du tableau, la vierge tient sur ses genoux l’enfant Jésus, nu, la main droite semblant esquisser une bénédiction et la main gauche tenant une boule de cristal surmontée d’une grande croix. La profondeur des plis du majestueux manteau rouge de la madone est sublime. Elle baisse les yeux, comme si le profil sévère du chancelier, à genoux en face d’elle dans son riche habit de brocard doré, bordé de fourrure, l’intimidait. Il a les mains jointes au-dessus de son livre d’heures, richement enluminé.

   Le pavement en marbre aux motifs géométriques approfondit l’espace de la pièce jusqu’aux colonnes, ouvrant l’arrière plan où serpente un fleuve majestueux jusqu’à l’horizon couronné de montagnes.

   On ne sait ce qu’il faut admirer le plus : la profondeur de la perspective, cet ange en lévitation s’apprêtant à poser sur la tête de la vierge une couronne dont l’éclat des pierreries et de l’or resplendit, ces détails dont le tableau fourmille: fleurs dont chaque pétale est dessiné avec minutie, paon majestueux, personnages sculptés sur les chapiteaux…

   Notre regard est attiré par deux petits personnages, qui nous tournent le dos, au second plan, en plein centre du tableau: l’un se penche dans l’embrasure d’un créneau, regardant les deux villes qui bordent le fleuve, un pont sur lequel on distingue une foule de personnages, une île… l’autre, appuyé sur sa canne, un turban rouge comme le manteau de la vierge observe son compagnon.

   Sophie Caron, conservatrice au Louvre explique que ce tableau « constituait d’une part une œuvre de dévotion pour accompagner la prière du chancelier, et devait donc être manipulable et transportable pour le suivre dans ses activités quand il quittait son fief d’Autun. Mais il a probablement aussi été conçu pour servir après sa mort. Installé à côté de son tombeau, il aurait permis de solliciter les prières des vivants. »

  C’est Nicolas Rolin, en quelque sorte le ministre des finances du duc de Bourgogne, qui a fondé avec sa femme Guigone de Salins, l’Hôtel-Dieu de Beaune, et c’est lui aussi qui commande en 1445 le polyptyque du jugement dernier du peintre flamand Rogier Van der Weyden… il y est aussi représenté dans l’un des quinze panneaux, dans la même position, à genoux et les mains jointes, une bible ouverte devant lui, visage fermé ( avec la même coupe au bol! ) mais avec un habit noir dont l’austérité convenait mieux à l’environnement d’un hôpital soignant les indigents. 

   Mais revenons à Jan Van Eyck, un peintre capital, fondateur il y a près de 600 ans du portrait occidental avec ses modèles représentés en buste. On le considère comme l’un des initiateurs de la peinture à l’huile et l’inventeur du glacis qui consiste à apposer les pigments colorés, mêlés à l’huile, par touches transparentes successives. On donne ainsi l’illusion que sous la couche de peinture se cache une source lumineuse.

   Seuls  vingt et un tableaux de Van Eyck nous sont parvenus parmi lesquels cinq sont signés – c’est l’un des premiers peintres à le faire- accompagnés de sa devise écrite en lettres grecques: « Du mieux que je peux ».

     Difficile de faire mieux en effet, tous les tableaux de Van Eyck sont des chefs- d’œuvre. Le plus connu étant « Les Époux Arnolfini » avec cet hallucinant miroir circulaire reflétant le couple ( plutôt morose!) et le peintre lui-même. Mais si vous allez à Gand, il faut voir et revoir, dans la cathédrale Saint-Bavon, le prodigieux polyptyque 

 « L’adoration de l’agneau mystique ».

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