Et si nous commencions l’année avec un brin de légèreté ?

Légèreté qui ne doit pas être confondue avec l’absence de profondeur.

« La gravité est la racine de la légèreté  » dit Lao Tseu, cité par notre ami Jacques A. Bertrand au début de son livre « Le sage a dit » dont la dernière de couverture se termine par ces mots: Le sage a dit

   Si vous avez été sage, faites-vous offrir ce livre.

   Si vous n’avez pas été sage, offrez-le.

   Et quoi de mieux pour commencer l’année que quelques haïkus qui nous rappellent qu’on peut arriver à une vraie densité grâce à des formes légères.

   Leur simplicité fait leur force. 

   L’aigle et la rose ne doivent pas nous faire oublier la beauté du moineau et du pissenlit. Les haïkus nous apprennent l’art du détachement. Ils sont «la notation spontanée d’un instant d’élite » selon Roland Barthes, si sensible à la beauté des fragments.

   Lorsqu’on demandait à Hervé Collet, fin connaisseur et éditeur de poésie chinoise et japonaise, cité dans le livre « L’art du haïku. Pour une philosophie de l’instant. » une définition du bon haïku, il répondait en disant ce conte anonyme zen: « Le maître monta en chaire et, au moment même où il allait commencer son sermon du jour, un rossignol se mit à chanter. Quand l’oiseau eut fini de chanter, le maître dit : «c’est tout ce que j’avais à vous dire». Puis il prit congé. »

   J’ai consacré plusieurs kaléidoscopes ( K28, 29, 65… à retrouver grâce au moteur de recherche ci-dessous.) à cette forme brève, qui nous invite à être plus attentif aux petits riens de l’existence, à collecter de précieux instants qui font le sel de la vie, à aiguiser nos regards, à nous promener dans les haïkus comme dans une forêt. La célébration des saisons est au cœur de nombreux haïkus et le nouvel an est même considéré au Japon comme une cinquième saison.

 À tout seigneur, tout honneur, voici quelques haïkus de Bashô:

Matin de nouvel an-
ah! J’ai l’air d’une célébrité 
dans ce nouveau kimono.

Attendre
le premier chant du coucou,
une éternité!

La lueur d’une luciole 
disparaît dans le jour
 derrière le pilier 

De temps en temps 
les nuages nous reposent
 de tant regarder la lune

En 1683, la maison de Bashô brûle et il décide de prendre la route le temps de sa reconstruction… mais jusqu’à sa mort en 1694 à l’âge de cinquante ans, il ne cessera de voyager:

Voyageur sera
mon nom
je le souhaite 

   Et pour conclure ce premier kaléidoscope de l’année, je fais le vœu que nous soyons – comme les haïkistes- capables de trouver la beauté dans ce monde qui semble s’enfoncer dans la laideur. Comme nous y invite Corinne Morel Darleux qui nous avait déjà revigorés il y a quatre ans avec un livre au titre programmatique « Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce » et qui récidive avec un ouvrage où la beauté est aussi présente dès le titre « Alors nous irons trouver la beauté ailleurs ». Elle nous y convie à marcher dans les pas de Rosa Luxembourg qui écrivait il y a plus d’un siècle: « lorsque le monde entier va dans le mur, je ne cherche qu’à comprendre ce qui se passe et pourquoi, et du moment que j’ai fait mon devoir, je retrouve mon calme et ma bonne humeur. » La grande Rosa nous rappelle qu’on peut s’émerveiller du monde tout en s’en inquiétant.

Et quelques haïkus pour le plaisir et pour la route!

Me retournant sur la plage
 même les traces de mes pas
ont disparu                  Issa 

Joie de laisser du filet
s’échapper
 les lucioles                  Buson 

À vos plumes !

One thought on “Kaléidoscope 259: Haïkus, vœux, Bashô, Rosa…

  1. Ce n’est pas un haïku mais il s’en approche :

    Les fleurs de cerisiers
    condamnées à mort
    en rient de plus belle !
    (Christian Bobin)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *