Comme promis je vais vous parler aujourd’hui d’Alberto Manguel que j’ai eu la chance de rencontrer au moment de la publication en France de ce livre majeur qu’est Une histoire de la lecture… qui aurait aussi bien pu s’appeler Une histoire des lecteurs. Je me souviens de l’émission Apostrophes où il avait été passionnant et si convaincant que, quelques jours plus tard au Salon du Livre de Paris, sur le stand des éditions Actes Sud que nous tenions avec les libraires du groupement Initiales, il y avait une file impressionnante de lecteurs avides de rencontrer Alberto Manguel, serein et souriant. Le livre eut un immense succès et obtint le Prix Médicis Étranger.

Dès cette première rencontre, j’ai été impressionné par sa capacité à rendre son interlocuteur intelligent ! Alberto Manguel, dans chacun de ses livres, ouvre des horizons nouveaux à son lecteur, en lui montrant que la lecture n’est pas seulement celle des livres mais que tous les êtres humains, même illettrés, sont des lecteurs du monde: ” Le pêcheur hawaïen qui lit les courants marins en plongeant une main dans l’eau; le fermier qui lit dans le ciel le temps qu’il va faire… tous partagent avec le lecteur de livres l’art de déchiffrer et de traduire des signes. (…) Tous, nous nous lisons nous-mêmes et lisons le monde qui nous entoure afin d’apercevoir ce que nous sommes et où nous nous trouvons. Nous lisons pour comprendre, ou pour commencer à comprendre. Nous ne pouvons que lire. Lire, presque autant que respirer, est notre fonction essentielle.”
Dans cette inépuisable Histoire de la lecture, véritable lettre d’amour à la lecture des origines à aujourd’hui ( et même demain !) , illustrée de nombreuses gravures et photographies, Alberto Manguel nous apprend qu’à l’âge de 16 ans, voulant vivre parmi les livres, après l’école, il avait trouvé un emploi dans une librairie de Buenos Aires. C’est là que Jorge Luis Borges, presque aveugle, lui demanda de venir lui faire la lecture, ce qu’il fit pendant deux ans, mesurant le privilège de cette fonction de ” bloc-notes, d’aide-mémoire dont le vieil homme avait besoin pour rassembler ses idées. Je me prêtais volontiers à cet usage.”
Alberto Manguel se définit avant tout comme lecteur et affirme qu’il pourrait se passer d’écrire mais pas de lire. Pour lui, les livres ont une réelle présence. À l’époque où je l’ai connu, Alberto s’était installé dans un petit village du Poitou dans un presbytère où il avait installé sa fabuleuse bibliothèque riche de plus de 30 000 ouvrages. ” Les bibliothèques mettent en ordre le désordre du monde” dit-il ; et la littérature nous aide à apprendre notre monde et à nous ouvrir à lui.
Le chapitre d’ Une histoire de la lecture intitulé Lectures interdites montre bien le pouvoir subversif des livres. Les propriétaires d’esclaves au XIXE siècle, aux États-Unis, avaient bien compris que si les Noirs étaient capables de lire la Bible, ils seraient aussi en mesure de lire des tracts abolitionnistes. ” Dans tout le Sud, il était courant que des propriétaires de plantation pendent tout esclave qui tentait d’apprendre la lecture aux autres.”

Mais il faut lire aussi son Journal d’un lecteur qui relit pendant un an ses livres de prédilection, montrant avec éclat que les livres ne nous parlent pas toujours de la même manière et peuvent ouvrir des fenêtres sur la réalité profonde du monde.

Et un dernier pour la route, comme on dit familièrement ! Dans Monstres fabuleux, qui vient de paraître au printemps ( traduit comme tous les autres par Christine Le Boeuf) Alberto Manguel passe en revue les personnages légendaires de la littérature mondiale : du Petit Chaperon rouge à Dracula en passant par Alice, le capitaine Nemo , Long John Silver, Robinson Crusoë… Ces 38 courts portraits illustrés -avec un brin d’humour- par l’auteur, nous montrent encore une fois que la lecture est une source inépuisable et que les personnages de la littérature sont de véritables compagnons qui cheminent avec nous et peuvent parfois nous servir de guides.

Post Scriptum qui n’a rien à voir, comme on disait jadis du temps où on écrivait à la main!
Vous trouverez ci-dessous le lien qui vous permettra de visionner Diagonales un court métrage post-apocalyptique de 14 minutes, fruit de la collaboration entre Cielo, alias Caporal Foudre et Garisse ( deux de nos petits-enfants) avec la complicité d’Éric, le père de Garisse. 14 minutes à 14 ans! Je pense qu’à leur âge j’aurais été incapable d’en faire autant.
Vos réactions et vos encouragements sont les bienvenus .

                   https://m.youtube.com/watch?v=z0VRoVivAwo


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